TAIZÉ

Textes bibliques commentés

 
Ces courtes méditations bibliques sont proposées pour soutenir une recherche de Dieu au cœur de la vie quotidienne. Il s’agit de prendre un moment pour lire en silence le texte biblique suggéré, accompagné du bref commentaire et des questions. On peut se réunir ensuite en petits groupes de trois à dix personnes chez l’un ou l’autre des participants pour un bref partage de ce que chacun a découvert, avec éventuellement un temps de prière.

JPEG - 31.8 ko

2011

mars

Genèse 22, 1-18 : Perdre pour gagner
Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il l’appela et Abraham répondit : « Oui, je t’écoute. » Dieu reprit : « Prends ton fils Isaac, ton fils unique que tu aimes tant, va dans le pays de Moria, sur une montagne que je t’indiquerai, et là offre-le-moi en sacrifice. »
 
Le lendemain, Abraham se leva tôt. Il fendit le bois pour le sacrifice, sella son âne et se mit en route vers le lieu que Dieu lui avait indiqué. Il emmenait avec lui deux serviteurs, ainsi que son fils Isaac. Le surlendemain, il aperçut l’endroit de loin. Il dit alors aux serviteurs : « Restez ici avec l’âne. Mon fils et moi nous irons là-haut pour adorer Dieu, puis nous vous rejoindrons. »
 
Abraham chargea sur son fils Isaac le bois du sacrifice. Lui-même portait des braises pour le feu et un couteau. Tandis qu’ils marchaient tous deux ensemble, Isaac s’adressa à son père, Abraham : « Mon père ! » dit-il. Celui-ci lui répondit : « Oui, je t’écoute, mon enfant. » — « Nous avons le feu et le bois, dit Isaac, mais où est l’agneau pour le sacrifice ? » Abraham répondit : « Mon fils, Dieu veillera lui-même à procurer l’agneau. » Ils continuèrent leur route tous deux ensemble. Quand ils arrivèrent au lieu que Dieu lui avait indiqué, Abraham construisit un autel et y déposa le bois. Puis il lia Isaac, son propre fils, et le plaça sur l’autel, par-dessus le bois. Alors il tendit la main et saisit le couteau pour égorger son fils. Mais du ciel, l’ange du Seigneur l’interpella : « Abraham, Abraham ! » — « Oui, répondit Abraham, je t’écoute. » L’ange lui ordonna : « Ne porte pas la main sur l’enfant, ne lui fais aucun mal. Je sais maintenant que tu respectes l’autorité de Dieu, puisque tu ne lui as pas refusé ton fils, ton fils unique. »
 
Relevant la tête, Abraham aperçut un bélier retenu par les cornes dans un buisson. Il alla le prendre et l’offrit en sacrifice à la place de son fils. Abraham nomma ce lieu “Le Seigneur y veillera”. C’est pourquoi on dit encore aujourd’hui : « Sur la montagne, le Seigneur y veillera ».
 
Du ciel, l’ange du Seigneur appela Abraham une seconde fois et lui dit : « Voici ce que déclare le Seigneur : Parce que tu as agi ainsi, que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique, aussi vrai que je suis Dieu, je jure de te bénir abondamment en rendant tes descendants aussi nombreux que les étoiles dans le ciel ou les grains de sable au bord de la mer. Tes descendants s’empareront des cités de leurs ennemis. À travers eux, je bénirai toutes les nations de la terre, parce que tu as obéi à mes ordres. » (Genèse 22, 1-18)

Dieu demande-t-il des sacrifices humains ? Pourquoi un texte à la tonalité si archaïque est-il présent dans la Bible ? « Éprouver » quelqu’un selon la Bible, c’est le connaître, lui faire accéder à sa véritable identité (voir Deutéronome 8,2). En quoi consiste alors l’épreuve d’Abraham ? Dieu dit textuellement : « Va-t’en, prends ton fils, et fais-le monter pour un holocauste. » Dieu veut-il dire : offre ton fils unique en sacrifice (ce que croit comprendre Abraham à première vue) ? Ou bien : offrez ensemble, toi et ton fils, un sacrifice (ce qu’espère peut-être secrètement Abraham, puisqu’il dit aux autres serviteurs « nous vous rejoindrons ») ?

S’il faut comprendre « faire monter » dans le sens le plus évident, c’est-à-dire offrir en sacrifice, alors l’épreuve vise bien plus que la vie seule d’Isaac. Abraham doit-il renoncer à la promesse de Dieu, liée au miracle de la naissance de son fils dans son grand âge, miracle qui lui avait été signifié par les trois anges en Genèse 18 ? Dieu semble vouloir détruire ce qu’il a lentement construit. Don et mise à l’épreuve vont souvent de pair dans la Bible. Tout don constitue en lui-même une mise à l’épreuve : la personne qui le reçoit va-t-elle s’accaparer le don comme un dû ou aller au-delà pour découvrir celui qui offre ?

Abraham passe l’épreuve. Dieu lui dit : « Tu ne m’as pas refusé... », autrement dit : tu n’as pas refermé la main sur le don pour le garder jalousement. Dieu voit donc en vérité la foi d’Abraham qui a été chercher jusque dans la nuit profonde la volonté de son Dieu. « Dieu voit », c’est l’étymologie du nom de la montagne où se tiennent le père et le fils : « Moria ». Mais le narrateur ajoute aussitôt : « Le Seigneur est vu » (v. 14). Dans ce lieu symbolique, la rencontre entre Abraham et son Dieu devient reconnaissance réciproque.

Pourtant, à la place du fils, représenté par « l’agneau » dans la question d’Isaac (v. 7), c’est le « bélier », l’image du père, qui est sacrifié. Même s’il n’a pas immolé son fils, Abraham sacrifie sa paternité en tant que possession du fils de la promesse. Abraham ne possède plus son fils (le nom d’Isaac n’est d’ailleurs plus mentionné ensuite), mais il a vu Dieu et a été vu par lui en vérité. Ce qu’il retrouve maintenant, c’est la promesse de Dieu, rendue à nouveau possible : « Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre ».

N’y a-t-il pas dans ce texte le mystère de toute paternité et maternité : accepter de se déprendre de ses propres enfants pour les lancer vers la Vie ? Dieu lui-même prendra mystérieusement la place d’Abraham en « n’épargnant pas son Fils unique » sur la croix (Jean 3,16 ; Romains 8,32). Dans cette « perte », nous gagnons la vie.

- Ai-je déjà été conduit par la foi à faire un pas de plus qui m’a coûté ?

- Y a-t-il des situations où je sens que je dois perdre pour gagner ?



Autres méditations bibliques :

Dernière mise à jour : 1er avril 2024