TAIZÉ

Japon 2011

Visites de communion et de solidarité

 
En novembre un frère a passé quelque temps au Japon. Son séjour a été profondément marqué par des visites dans les zones touchées par le séisme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 et les trois tsunamis qui ont suivi immédiatement après. Ces visites se voulaient des signes de communion et de solidarité, puisque dans de nombreux lieux visités se trouvent des amis et des connaissances de la communauté, victimes ou engagés comme volontaires.

À une heure trente de Sendai, dans la région côtière, vit un jeune qui vient de passer un an à Taizé comme volontaire. Il travaille pour Caritas. Les différentes Églises ont mis en place des centres où logent des volontaires, d’où ils partent pour travailler. Ces centres se trouvent souvent sur les bords de la zone sinistrée ; on trouve là des lieux où sont accueillis les jeunes et adultes qui viennent pour aider. Les Églises et les ONG se rendent disponibles auprès des municipalités qui répartissent le travail en fonction des priorités.

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Michio est maintenant le coordinateur du centre où il vit à Onekawa. Il y a trois personnes à plein temps ainsi que des volontaires qui viennent pour une semaine ou dix jours. Il faut penser que les vacances sont courtes au Japon, de plus certains d’entre eux viennent de l’autre bout du pays offrir leur aide. Il dit : « L’année que j’ai passée à Taizé m’a préparé à vivre cela, car tous les jours, il faut accueillir des nouveaux, en voir partir d’autres, chaque jour il faut réexpliquer le travail, penser à l’hébergement, aux repas, à notre vie commune, et leur donner aussi une occasion de partager ce qu’ils ont fait, les joies et les difficultés. »

Chaque matin, il y a une brève prière comme on la vit à Taizé. Un séminariste l’avait commencée et nos volontaires ont pris le relais. C’est émouvant de se retrouver à 6h30 dans une église froide, pour prier avec trois ou quatre personnes (la plupart des volontaires ne sont pas chrétiens) devant l’icône de l’amitié ramenée de la rencontre de Manille par Michio en 2010. Ensuite un copieux petit-déjeuner chaud est servi, puis les volontaires, emmitouflés contre le froid, partent en camion.

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Nous partons en voiture pour visiter plusieurs endroits dans les zones touchées par le tsunami. Il nous faut environ trente minutes, à travers bois et dans la campagne, sous un ciel radieux, puis un panneau annonce « Début de la zone affectée par le tsunami » et soudain tout change. Mon compagnon commente ce que nous voyons : les arbres qui se meurent à cause du sel, les rails du chemin de fer brisés le long de la vallée, un pont qui s’est effondré. Tout au long de la côte, l’eau s’est engouffrée partout où elle le pouvait et les vallées se sont remplies d’eau jusqu’à plus de 20 mètres de hauteur sur des kilomètres. Nous arrivons à ce qui avait été une ville. Maintenant, c’est comme un désert immense qui s’étend sur des kilomètres, comme une ville rasée par des bombardements alors que c’est la terre et l’eau qui ont tout emporté. On peut voir encore une voiture sur le toit d’un bâtiment éventré.

« Tu vois ce bâtiment ? C’est de là que la jeune femme qui était chargée d’annoncer à la ville l’arrivée du tsunami n’a pu s’échapper. Elle devait faire son devoir et lancer l’annonce, et elle a été emportée par les vagues. » Ici, c’est ce qui reste d’une école primaire où des enfants ont péri, là-bas un hôpital où des vieilles personnes n’ont pas eu la force de monter à l’étage. Maintenant encore des jeunes volontaires retrouvent des corps. Ce n’est pas facile pour eux, mais ils savent que c’est important pour les familles. Les volontaires ont plusieurs chantiers en cours : le tri de tout ce qui a été détruit, bois, métal, objets de la vie quotidienne, ce qui crée des montagnes de voitures et de déchets divers…

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Il y a un autre lieu de travail auprès des pêcheurs qui ont absolument tout perdu. On leur a envoyé de Hokkaido des filets malheureusement inadaptés à leur façon de pêcher et au genre de poisson du lieu. Ces filets sont immenses. Il faut donc les défaire et en refaire avec des mailles plus petites. On lit dans la presse que les travaux de nettoyage se déroulent très lentement. Mais on constate qu’un travail immense a déjà été accompli. Nous sommes allés à Minami-Sanriku, la ville est complètement dégagée, tout a été nettoyé.

Et il y a des initiatives de toutes sortes. Au début, les volontaires sont allés dans les logements temporaires pour laver les pieds des personnes âgées. En mars, il fait encore froid et c’était une façon d’apporter un peu de réconfort. Des paroisses d’autres régions du Japon viennent donner des concerts et des spectacles pour les enfants. J’ai été étonné de voir partout des cosmos. Il paraît que l’un des volontaires a semé des graines, et les cosmos sont maintenant en fleurs au milieu des décombres, taches de couleurs sur la grisaille des blocs de béton ! La terre continue de trembler. Les enfants dans les écoles sont terrifiés, ils ont peur que tout recommence.

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Le lendemain, nous sommes partis pour Ishinomaki qui est, après Sendai, la plus grande ville de la Préfecture du Miyagi. Nous étions un petit groupe de différentes traditions, amis depuis des années. Nous sommes allés dans différentes églises pour faire des visites et chanter. À l’église Kyodan (Église unie), le pasteur a raconté en détail tout ce qui était arrivé et comment ça s’était passé. Dans la soirée, nous sommes allés prier chez Naomi. Elle aussi a dit la nécessité de parler et de raconter toujours à nouveau les mêmes événements. Elle est bibliothécaire à l’université. Depuis les étages supérieurs, elle a vu les vagues qui emportaient voitures et bateaux… Il lui a fallu dix jours pour retourner chez elle. Il n’y avait plus d’électricité mais la maison était intacte, alors que celles des voisins avaient été touchées. À 14h46, le 11 de chaque mois, où qu’ils se trouvent, les gens se réunissent pour observer une minute de silence.

Comme nous, ils parlent de la solidarité qui naît entre des voisins qui ne se connaissaient pas. Ils expriment leur gratitude, entre autres à l’égard d’une paroisse de Berlin qui a été la première à leur offrir de l’aide. Pendant les premières semaines après le tsunami, à la fin de la journée, des personnes âgées se tenaient à l’entrée de certaines des zones dévastées. Elles portaient des pancartes avec les mots « Merci de nous aider » à l’adresse des volontaires qui regagnaient leurs centres pour la nuit.

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Kamaishi est une autre ville durement touchée. Les volontaires qui y travaillent avaient demandé une visite. Des trois centres catholique, anglican et kyodan, ils sont venus ensemble à Caritas pour le repas de midi. Ils se connaissent bien et ils travaillent ici, mais ils n’avaient jamais pris de repas ensemble. Ensuite, le jeune pasteur nous a conduits à son église, d’où nous sommes partis sur les lieux touchés par la catastrophe. Dans la soirée, tous se sont réunis dans le local anglican. Au milieu du matériel qui avait été recueilli et des piles de vêtements en attente d’être distribués, nous avons eu une belle prière. Après quoi il était juste temps pour nous de prendre le bus de nuit pour Tokyo. Certains des volontaires ont mis trois heures pour venir à la prière et sont retournés ensuite à leurs logements pendant la nuit.

Moment de repos et découverte de la beauté proche…

Kimiko écrit : À Sendai, un frère de Taizé a dirigé une retraite de deux jours au Centre Emmaüs, qui a aidé à la reconstruction des zones touchées par le tsunami au cours des huit derniers mois. Il y avait une quarantaine de personnes. La plupart d’entre elles ont pris part aux opérations de secours d’une façon ou d’une autre. La masse de tout ce qui doit être fait chaque jour dans les zones sinistrées porte les volontaires et le personnel à relativiser leurs propres besoins affectifs et spirituels afin de parvenir au bout de la journée. Après huit mois de souffrance continue, le cœur des gens peut être rempli de souffrance, de tristesse, de méfiance, de fatigue, d’un sentiment d’isolement, de confusion et d’inquiétudes… Certains font en sorte d’être très occupés pour tenter de garder en eux la profonde tristesse d’avoir perdu leurs proches.

Pendant la retraite, nous avons essayé de les remettre tous à Dieu. Les prières et le partage nous ont donné le temps de nous pencher sur ce qui est le plus essentiel dans notre vie et de découvrir malgré tout de la beauté autour de nous, présente à notre insu. J’ai senti que nous avions surtout besoin d’un moment comme celui-ci. Non seulement à Sendai mais ailleurs aussi, de nombreuses personnes liées à Taizé ont joué un rôle dans la reconstruction des zones touchées, comme à Kamaishi, Ishinomaki, Minami-Sanriku et Onekawa. Nous avons prié pour elles et tout ce qu’elles accomplissent.

Une prière en signe de solidarité nous a unifiés

À Kobé, plus de 370 personnes de diverses confessions se sont rassemblées pour prier ensemble pour les zones touchées. Kobé elle-même a vécu le grand séisme de 1995 et les gens éprouvent une grande sympathie pour les victimes actuelles.

Originaires de diverses Églises, nous avons prié ensemble en solidarité avec les habitants des zones sinistrées ; les intercessions étaient faites par cinq dénominations différentes. J’ai senti qu’en portant ensemble nos regards vers ces personnes vulnérables, la prière nous unifiait, et l’Esprit Saint a rempli chacun de nous d’une joie sereine. Par la prière nos forces ont été renouvelées pour accompagner les habitants des zones de la catastrophe dans un esprit de réconciliation et d’unité. « Comme il est bon, comme il est doux de vivre tous ensemble comme des frères ! »

Dernière mise à jour : 11 décembre 2011