TAIZÉ

Rencontre de Kigali

Attentes et témoignages de jeunes

 

Afrique espérance

Nicolas Noudjimadji, jeune Tchadien, partage son espérance et sa réflexion sur la nécessité de créer de nouveaux liens entre les continents alors que les diverses sociétés et la donne internationale ne cessent d’évoluer et que la tentation du replis peut resurgir de divers côtés. Les baptisés partagent la conscience d’une fraternité qui transcende toutes les frontières et les particularismes. Cela leur confère une capacité mais aussi une responsabilité pour rendre visible l’unité dans la famille humaine. S’ils venaient à oublier cette espérance sous le boisseau, ils laisseraient le champ libre au seul esprit de compétition qui peut aller jusqu’à la violence. Le pèlerinage de confiance sur la terre et son étape de Kigali veulent contribuer à soutenir cette conscience et cette espérance chez des jeunes.

La plupart des personnes qui connaissent l’Afrique par le biais des médias n’en connaissent que les guerres, les famines à répétition, les maladies et la corruption, bref l’Afrique négative. Nous, jeunes africains, devons reconnaître que cela décrit bien une part de la réalité, bien qu’en l’exagérant toutefois. Il n’est un secret pour personne que l’Afrique a vécu et continue de vivre dans la guerre : au Soudan (Darfour, Kordofan), au Sud-Soudan (entre tribus et ethnies), en Somalie, au Niger (conflits armés et coups d’Etat à répétition), au Mali, au Tchad, en Mauritanie, pour ne citer que ceux-là. S’ajoutent encore les violences post-électorales… Avec plusieurs centaines de millions de kilomètres carrés de terre cultivables, l’Afrique peine encore à nourrir convenablement sa population, une population meurtrie depuis des décennies par les maladies. Pour couronner le tout, elle détient le record en matière de corruption. Sept des dix pays les plus corrompus se trouvent en Afrique. Tout cela donne malheureusement l’impression au monde extérieur que l’Afrique a sombré à jamais dans le chaos et la désolation.

Certes, cela ne fait nullement la fierté de l’Afrique et des Africains. Mais je ne suis pas sceptique sur l’avenir de l’Afrique. Je suis de ceux qui voient l’Afrique profonde, vivante, agissante et même heureuse. Oui y a la guerre, la famine, les maladies, mais il y a aussi des choses plus belles et plus fortes. La joie, la patience, l’accueil, l’espérance, et la foi, c’est aussi cela l’Afrique. Il nous faut donc rendre toutes ces richesses plus visibles, plus accessibles et plus palpables. Pour y arriver, nous devons, non pas énumérer nos problèmes, chercher à les fuir, ou les ignorer, mais les intérioriser, en faire nos soucis personnels et plus encore y faire face avec courage et confiance.

Il est vrai que nous vivons dans un monde où tout va vite et le monde occidental nous fascine à tel point que nous voulons que l’Afrique ressemble tout de suite à l’Europe ou aux États-Unis. Ceci n’est pas une mauvaise chose en soi, car cela montre combien nous désirons voir une Afrique prospère. Cependant, n’oublions pas que nos pays n’existent en tant qu’Etats libres qu’en moyenne depuis une cinquantaine d’années. Il nous faut nous armer de patience.

De retour chez moi après un an en France, rares sont les jeunes que je connais qui m’ont dit des paroles de confiance et d’espérance. Pour beaucoup, ce sont des paroles du genre : « Pourquoi es tu revenu ? Ne vois tu pas tout le monde cherche à fuir ce pays ? » Ou « Tu ferais mieux de repartir car ici c’est la galère, la misère, aucun espoir pour nous… » Ce qui m’a fait le plus mal, c’est quand l’un d’eux m’a dit « Ici c’est la douzième station, les gens sont cloués. Veux-tu te faire clouer avec eux ? » Il faisait ainsi allusion à la douzième station du chemin de croix. J’étais complètement abattu dans mon propre pays. Heureusement tout n’est pas fini, même quand on pense avoir tout perdu. Un ami m’a redonné courage et confiance dans mon pays quand il m’a dit « Vivre, c’est espérer, et espérer, c’est agir. Tant que tu vis et où que tu vis, tu dois vivre dans l’espérance d’un lendemain que tu ne connais pas en agissant avec joie et bon cœur ». Alors agissons, nous qui espérons et qui avons confiance en l’homme africain pour que nos frères qui désespèrent puissent retrouver la confiance en eux-mêmes en l’Afrique et vivre.

Mais comment agir ? Avec 54 états, l’Afrique est un grand continent. Les contextes économiques, sociaux et politiques de nos pays respectifs ne sont pas les mêmes, mais les jeunes sont confrontés aux mêmes réalités. Je suis convaincu que chaque jeune africain, où qu’il soit, cherche d’une façon ou d’une autre à améliorer sa situation et à avancer vers un avenir dont il se veut concepteur. Cependant, nous serons certainement plus forts face à nos difficultés communes, si nous menons des actions également communes. Des actions communes nécessitent certes l’unité. Mais pour parvenir à l’unité, il est important que nous nous parlions. Nous parler dans un langage franc et fraternel. Il ne sera pas question d’accuser, de juger ou de condamner, mais, en nous appuyant sur le passé et en éclairant le présent, nous projeter avec assurance dans un avenir qui sera un rêve commun. Il est vrai que c’est comme marcher sur un chemin épineux. Mais en marchant avec foi, ce chemin nous conduira à la vie, la vie de nos frères, la vie de Dieu.

L’Afrique est sans nul doute une terre de foi. Il nous faut vivre toute chose, heureuse ou malheureuse dans l’espérance, une espérance vivante et agissante. Pour cela, la confiance en l’Afrique et en nous-mêmes est nécessaire.

J’ai été personnellement interpellé par le choix du Rwanda que la communauté de Taizé a fait. Je ne vois aucune exception. Sauf, un message. Un message à l’endroit des jeunes africains. Il y a 18 ans, le Rwanda était dans une situation très douloureuse. Personne à l’époque ne pouvait imaginer que le Rwanda deviendrait ce qu’il est aujourd’hui où il est cité comme un des exemples en matière de processus de développement durable. En venant à Kigali au Rwanda, nous venons avec joie et nous voulons aussi partager cette joie avec les autres, africains ou non. Nous nous préparons aussi à accueillir celle des autres qui ne se manifestera peut être pas de la même façon que la nôtre, mais c’est toujours la même joie.

Le message de cette rencontre est de redonner espoir aux jeunes africains. Il nous faut comprendre que ce soleil qui brille au dessus de nous est le soleil de Dieu. C’est sous ce même soleil que les gens ont commis des erreurs, et c’est également sous ce même soleil qu’on peut réparer ces erreurs.

L’Occident change désormais de discours vis-à-vis de l’Afrique : que l’Afrique soit l’espoir du monde. Moi je pense que c’est à l’Afrique d’espérer. Et l’espoir de l’Afrique, c’est l’espoir de sa jeunesse.

QUE NOS PRIÈRES ACCOMPAGNENT NOTRE ESPÉRANCE

Nicolas


Une occasion de fraternisation et d’unité

Tout en priant pour que les préparatifs de la rencontre de Kigali se fassent bien, j’essayerai de sensibiliser nos jeunes ici à Bukavu pour qu’ils participent massivement, non pas à deux ou trois, mais plus nombreux du fait que le Rwanda n’est pas loin et que certains d’entre nous ont même des proches au Rwanda.

Prions aussi pour que cette rencontre soit vraiment une occasion de fraternisation et d’unité dans la région de Grands Lacs parce que, comme vous le savez, les frères et sœurs de cette région s’entre-tuent (par exemple, le massacre de 40 personnes au Sud Kivu au mois de janvier par une milice), se haïssent et font montre d’une hypocrisie de réconciliation. Voilà les grands maux qui tuent notre région. Je pense qu’une fois qu’ils seront résolus, tout le monde sera heureux car le maïs rwandais sera consommé au Congo, et la richesse congolaise sera partagée avec les voisins. À partir de là, il n’y aura plus de traumatisme ni de rupture, la famille sera respectée et on découvrira la joie de vivre pour les autres.

Dans cette période, je suis à Bukavu pour mes études et je fais aussi des recherches.

En union dans la prière.

Pierrot CHAMBU, de la République Démocratique du Congo

Dernière mise à jour : 16 mai 2012