Depuis quelque temps nous étions invités par le département des relations avec les autres Églises de l’Église Apostolique Arménienne. C’est une des anciennes Églises orthodoxes orientales qui a à sa tête le Catholicos Karekin.
L’Arménie est un petit pays qui a retrouvé son indépendance en 1991 et qui est situé dans le Caucase du Sud aux limites entre l’Europe et l’Asie. Elle est considérée comme le premier pays qui a adopté le christianisme, probablement en 301. Depuis ce moment les Arméniens sont toujours restés très attachés à leur foi chrétienne et à leur identité arménienne qu’ils ont gardées dans un environnement souvent hostile.
Le pays est marqué par la présence de hautes montagnes qu’on voit à l’horizon, à peu près dans toutes les directions. Dans la région de la capitale Erévan et d’Etchmiadzin où se trouve le siège de l’Église Apostolique, c’est surtout le mont Ararat qui domine le paysage, ses pentes commencent presque tout de suite après la frontière turque.
Nos amis de l’Église Apostolique m’ont logé en face de la cathédrale d’Etchmiadzin où j’ai participé aux prières du matin et aux vêpres avec les évêques, prêtres, diacres et fidèles. J’ai apprécié l’ambiance de prière et les beaux chants très anciens. J’ai été chaleureusement accueilli, y compris par le Catholicos.
J’ai rencontré à différents endroits des groupes de jeunes qui ont été très intéressés de voir quelqu’un venant les visiter de l’étranger. Je leur ai parlé de l’histoire de Taizé et aussi mentionné l’importance de la réconciliation entre les peuples dans l’Europe de l’après-guerre. Au cours d’un échange avec un groupe d’étudiants de l’université de Erevan s’est levée alors une discussion un peu agitée en arménien – après un moment, j’ai compris que plusieurs disaient que pour eux la réconciliation avec la Turquie n’était pas possible tant que le gouvernement turc ne reconnaissait pas le génocide qui a eu lieu il y a cent ans.
A Gyumri j’ai visité d’abord les Arméniens catholiques et le lendemain j’ai assisté à la liturgie du dimanche à l’Église apostolique. L’église était pleine, avec des gens de toutes générations qui se tenaient debout. La célébration a duré environ deux heures. Après la liturgie, une grande partie des gens est restée pour pénétrer dans une des chapelles latérales et y allumer des bougies, différents groupes de jeunes se sont rencontrés.
Dans un village situé à une trentaine de kilomètres de Erevan on m’a fait visiter un centre de soins pour des enfants handicapés. La plupart des enfants ont des infirmités motrices cérébrales. La femme qui l’a fondé est la jeune mère d’un de ces enfants. Quand elle s’est rendu compte des difficultés rencontrées par les parents pour bien s’occuper de leurs enfants handicapés, elle a cherché ce qu’elle pouvait faire pour les aider. Elle a trouvé un centre de soins médicaux financé par de riches Arméniens de la diaspora aux États-Unis, où il y a suffisamment de place pour accueillir une trentaine d’enfants. Ceux-ci sont transportés chaque jour depuis Erevan et sont entourés de mères ou de jeunes volontaires.
Artik est une petite ville située sur un haut plateau à environ 1900 mètres d’altitude. La neige venait tout juste de fondre. Devant la ville, se trouvent de grandes usines qui sont abandonnées depuis la chute de l’Union Soviétique. On se demande de quoi les gens vivent. Ceux qui ont un travail gagnent très peu. Parmi les jeunes, beaucoup veulent quitter le pays pour travailler en Russie ou en Europe occidentale. Dans la ville, se trouvent deux églises du 5e et du 7e siècles, l’une à côté de l’autre. Elles sont en partie en ruine, mais à certaines occasions l’assemblée se réunit dans une de ces églises à ciel ouvert.
La situation économique est difficile. Le pays n’a que peu de ressources naturelles et est très enclavé. La frontière avec la Turquie est fermée et contrôlée par l’armée russe. La relation avec l’Azerbaïdjan est encore pire : depuis la guerre du début des années 1990, l’Arménie occupe un territoire revendiqué par les deux pays et il y a toujours des échanges de tirs à travers la frontière.
L’Arménie est un pays avec un riche héritage culturel lié à la foi chrétienne et c’est très beau d’en découvrir quelque chose. C’est encourageant de voir combien les habitants du pays restent attachés à l’Église et comment, malgré toutes les difficultés, ils gardent la joie de vivre et beaucoup de bonté. J’espère que, dans le futur, quelques jeunes arméniens pourront venir participer aux rencontres à Taizé pour y témoigner de la tradition de leur pays et pour faire découvrir encore un peu plus l’universalité de l’Église.