Jeudi dernier je disais aux jeunes ici dans l’église : nous sommes très nombreux sur la colline et il y a entre nous tous une belle et grande diversité. C’est un étonnement constant de voir la joie et la solidarité qui unissent ceux qui sont ici.
Ce que nous vivons tous ensemble nous permet de mieux comprendre la communion de l’Eglise. L’Eglise est elle-même quand, par la vie de ses membres, elle rayonne la joie et la paix de Dieu.
Mais en même temps nous sommes accablés par ce que nous apprenons des violences et des guerres dans le monde. La présence parmi nous de jeunes venant de régions marquées par des conflits nous rend encore plus sensibles aux souffrances. Mais leur présence nous encourage aussi énormément. Nous voyons que partout il y a des femmes et des hommes de paix.
Nous sommes touchés d’accueillir cette semaine des Ukrainiens et des Russes. Et un groupe de Palestiniens de la région de Bethléem. L’un de ces Palestiniens est musulman, les autres sont chrétiens. Et nous pensons aussi à Rabbi Levi et à nos amis juifs en Israël.
Cette semaine deux mille étudiants français devaient se rendre en Terre Sainte et leur projet a dû être annulé. Nous partageons leur déception et celle de ceux qui se réjouissaient de les recevoir. Certains de ces jeunes français sont venus à Taizé ces jours pour remplacer ce pèlerinage annulé.
Que pouvons-nous face aux violences ? Quand les conflits ont éclaté il est souvent trop tard. La spirale de haine et de revanche est extrêmement difficile à interrompre. Les blessures sont trop profondes pour que les cœurs puissent s’apaiser.
Comment à l’avance mieux ouvrir nos yeux à la manière dont les conflits se préparent ? Je pense par exemple à l’immigration. Certains veulent s’en protéger en construisant des murs d’isolement. Mais ils oublient la dette que beaucoup de pays du nord ont envers les pays du sud, et ils semblent ignorer que le nord aura besoin d’immigrés dans les années à venir.
Pour prévenir des conflits futurs, ceux par exemple que de telles situations préparent, il serait essentiel de modifier les réglementations. Mais cela ne suffit pas. Pour prévenir les conflits, ce sont les cœurs qui ont besoin de changer.
La priorité aujourd’hui n’est-elle pas d’introduire dans les sociétés humaines plus de fraternité, d’attention aux autres ? Cela suppose en particulier de développer en nous-mêmes une plus grande sensibilité à ceux qui restent blessés au bord de nos chemins.
Je voudrais que cela ne demeure pas seulement un appel moral, mais que nous cherchions dans la foi la motivation de cet appel à la solidarité. Ce sera le centre de notre réflexion l’an prochain.
La confiance en l’amour infini que Dieu a pour chaque personne, pour chacun de nous, est la source des solidarités humaines. C’est à partir de cette source d’amour que l’Evangile invite les chrétiens, ensemble avec ceux qui cherchent la paix, à une vie de solidarité. Pour nous, les frères, un de nos plus grands désirs est que vous tous qui passez ici découvriez cette source de vie.
Pour que cette source puisse couler dans nos cœurs, chaque personne, et nous aussi, les frères, chaque personne doit toujours à nouveau déblayer le terrain en soi-même. Cela implique de ne pas regarder en arrière, de ne pas s’accrocher aux amertumes ou aux humiliations subies, mais de les confier au Christ qui a vaincu la haine et la violence.
C’est l’Esprit Saint, présent en nous, qui fait couler en nos cœurs la source d’amour et de paix. Face à tout ce qui nous décourage, la violence dans le monde, notre propre faiblesse et nos imperfections, et même nos fautes, face à tout cela ayons le courage de dire simplement oui à sa présence.
Ce oui peut être hésitant et à peine perceptible, mais il crée une ouverture en nous. Et la paix reçue dans le secret de nos cœurs peut nous amener loin, elle peut transformer la terre.
Rappelons-nous le oui de Marie. Par son simple oui, cette jeune fille de Nazareth a permis que le Christ puisse naître parmi nous. Sûrement aucun de ses voisins n’a pu soupçonner ce qui se passait d’extraordinaire.
Disons le même oui pour accueillir l’amour et la paix du Christ. Par la présence de l’Esprit Saint en nous, il nous prépare à pardonner et à le suivre jusqu’au point d’aimer même ceux qui nous font du mal.
Ce soir nous prions particulièrement pour la paix au Moyen Orient. Il nous arrive de nous demander si la prière peut changer le cours de l’histoire et c’est vrai que nous ne savons pas quel effet elle a. C’est mieux ainsi, sinon notre prière risquerait de devenir un marchandage avec Dieu.
Nous prions dans l’espérance que notre pauvre prière crée des ouvertures et que l’amour de Dieu puisse plus facilement souffler sur celles et ceux que nous lui confions. Dans cet esprit, cet été nous nous réunissons chaque dimanche à 18h30 pour une demi heure de silence dans cette église afin de prier pour la paix.
Et maintenant j’invite les Palestiniens à venir ici tout près. Ils vont prononcer le Notre Père en arabe, nous les écouterons en priant intérieurement avec eux. Puis la prière continuera par le chant Da pacem... in diebus.