Jeudi, nous avons célébré la fête de l’Ascension. C’est une fête dont le sens n’apparaît pas tout de suite à notre esprit moderne. Le récit de la Bible fait appel à la conception du monde qui était celle de l’époque. La Bible raconte que Jésus, quarante jours après sa résurrection, est enlevé au ciel.
Cette fête rappelle que, à la fin de sa vie sur la terre, Jésus est retourné auprès de Dieu. Il veut attirer tous les humains avec lui auprès de Dieu, mais sur la terre il n’abandonne personne à sa solitude. Il assure ses disciples qu’il enverra l’Esprit Saint pour les accompagner toujours.
Au moment où il fait cette promesse, Jésus envoie ses disciples dans le monde entier comme témoins de son Évangile. Nous aussi - chacun et chacune d’entre nous - il nous envoie, pour être, par nos vies toutes simples, porteurs d’amour et de paix auprès de ceux qu’il nous confie.
Les chrétiens des premiers temps réfléchissent beaucoup à la situation qui est la leur : ils sont attirés par Jésus auprès de Dieu et en même temps envoyés par lui dans le monde. L’évangéliste Jean résume cette situation en écrivant qu’ils sont dans le monde mais qu’ils ne sont pas du monde.
À la fin du IIe siècle, une lettre dont on ignore l’auteur mais qui est conservée jusqu’à aujourd’hui décrit la vie des premiers chrétiens : « Ils ne se distinguent des autres ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais ils sont comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. »
Comme Jésus, les chrétiens se sentent d’une part étrangers sur la terre, comme s’ils étaient des migrants établis sur une terre qui n’est pas la leur car leur patrie est auprès de Dieu. Pourtant cela ne les conduit pas à être indifférents au monde. Tout au contraire, ils discernent dans la création et dans l’histoire les prémices du Royaume de Dieu et ils en sont des témoins au milieu des humains.
Pour les chrétiens, le ciel est déjà mystérieusement présent sur terre. A eux de le montrer par leur vie et de devenir, comme l’écrit aussi cette même lettre dont j’ai parlé, « l’âme du monde ». Oui, les chrétiens sont appelés à être dans le monde ce que l’âme est dans le corps.
Je voudrais vous parler d’autre chose encore. La semaine dernière, avec plusieurs de mes frères, nous étions en Ukraine, pour une rencontre qui réunissait à Lviv des jeunes du pays même et aussi de nombreux pays d’Europe. La présence de jeunes de la Russie était un signe important.
En Ukraine, il y a plusieurs Églises séparées les unes des autres, orthodoxe, gréco catholique, catholique latine, protestantes, et toutes s’étaient mises ensemble pour nous inviter à préparer cette rencontre. Il a été possible de prier ensemble, dépassant les blessures et les divisions
À Lviv, les jeunes étaient accueillis dans des familles et on avait suggéré que la prière du matin ait lieu dans les familles, comme un discret rappel de l’époque - pas si éloignée - où la foi pouvait seulement être partagée en secret, dans les maisons, par une pratique cachée.
Certains moments permettaient de participer à la vie des Églises locales. Pour beaucoup, ce fut une découverte de la tradition byzantine. Et cette rencontre nous a fait découvrir les dons du peuple ukrainien, parmi lesquels l’hospitalité et une foi vivante après tant de décennies d’oppression et une histoire si déchirée.
Un soir, nous étions touchés par la présence du grand-père d’un des jeunes décédés sous les balles de la police, sur la place Maidan à Kiev, en février 2014, au moment de la révolution qui s’était produite dans le pays.
Après les quatre jours de rencontre à Lviv, nous avons continué le pèlerinage à l’Est de l’Ukraine, avec deux de mes frères et vingt jeunes de différents pays.
Les jeunes sont allés dans un camp de réfugiés du Donbass, cette région où une guerre continue depuis quatre ans. Les réfugiés se comptent par centaines de milliers. Les jeunes ont pu échanger longuement avec des personnes qui ont raconté leur histoire. Les gens ont tellement besoin de partager avec quelqu’un ce qu’ils ont vécu.
Pour ma part, avec un des frères, j’ai pu aller jusqu’à Marinka, dans la banlieue de Donetsk, ville qui s’est vidée de plus de la moitié de ses habitants. Là, les bombardements continuent. Nous avons prié au plus proche de la ligne de démarcation. Il aurait été dangereux de nous aventurer plus loin car il y a des snipers qui tirent des deux côtés. Le lendemain nous avons appris que ce quartier avait été de nouveau bombardé.
Le dernier soir nous avons eu une prière dans la capitale, à Kiev, avec des chrétiens des diverses Églises. Les jeunes ukrainiens qui viennent nombreux à Taizé poussent prêtres et pasteurs à se mettre ensemble. Ainsi les jeunes ouvrent une porte de communion pour les Églises. Prions pour l’avenir de ce pays.
Prions aussi pour la Russie. Demain matin, avec l’un de mes frères, nous partons pour Moscou où nous retrouverons une trentaine de jeunes de différents pays et nous irons ensemble jusqu’en Sibérie, à Kemerovo, pour participer à la fête de l’Ascension orthodoxe.
Et prions enfin pour la Corée. L’un de mes frères, qui est coréen et qui est actuellement en Chine, m’écrit : « Après tant d’années d’hostilité, de haine et de peur, et tant de souffrances causées par la division du pays, les deux Corées ont fait un grand pas vers la paix. Depuis longtemps, nous avons prié ardemment et nous avons fait tant d’efforts, parfois en payant un prix cher, pour la réconciliation entre les frères ennemis. Il faut continuer à prier, puisque les blessures sont profondes et le chemin de la guérison est long. »
Avant que Ismaël dise quels pays sont représentés ici ce soir et que les enfants distribuent des fleurs à tous, je voudrais dire combien nous nous réjouissons de la présence du groupe de jeunes arabes chrétiens et musulmans de la région de Nazareth, en Israël et aussi d’une jeune des Territoires palestiniens qui vient de Bethléem.
Ismaël : Il y a des fleurs pour ceux de l’Argentine, Chili, Uruguay, Brésil, Costa Rica, Honduras, Haïti et Mexique.
Pour ceux de l’Australie, États-Unis et Canada.
Pour ceux de Russie, Finlande, Suède, Allemagne, Belgique et Pays-Bas.
Pour ceux d’Ukraine, Pologne, Tchéquie, Autriche, France, Grande-Bretagne et Irlande.
Pour ceux de Géorgie, Bosnie-Herzégovine, Italie, Suisse, Espagne et Portugal.
Pour ceux du Japon, Chine, Corée, Philippines, Indonésie, Vietnam, Inde et Irak.
Pour les jeunes des territoires palestiniens et arabes chrétiens et musulmans d’Israël.
Pour ceux du Nigeria et de Madagascar.
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