Quand on arrive au Mexique, on est très vite impressionné par la dimension de la ville de Mexico, qui a 22 millions d’habitants. Dans l’avion, on passe quinze minutes à la survoler, car l’aéroport se trouve en plein centre, et cela paraît une éternité : on regarde les maisons, les quartiers, cela continue, et enfin on arrive. On a l’impression d’être dans un pays très moderne, mais petit à petit on découvre qu’il y a aussi pas mal de difficultés.
La nuit même de mon arrivée, il y avait une prière dans une église du centre ville, et autour de l’église il y avait beaucoup de bruits, c’était des vendeurs ambulants, qui vendent toutes sortes de choses dans les rues. J’ai demandé comment cela pouvait exister ; on m’a expliqué que le maire était très populaire, car il permet de multiples activités, pas toujours très transparentes. Ces vendeurs ne devraient pas être là car ce n’est pas légal, mais il les laisse faire, car, dit-il, ce sont des pauvres et ils ont le droit de gagner leur vie dans les rues. Beaucoup de gens sont contre ce maire et le critiquent, mais le peuple est avec lui. Chaque mois, il donne aux personnes âgées 700 pesos. C’est la première fois que le gouvernement de la ville donne quelque chose aux plus pauvres – et la majeure partie de la population est pauvre –, ils sont donc d’accord avec lui, et c’est pour cela qu’il est très populaire, mais qu’il est aussi très critiqué. Le gouvernement a essayé de le faire partir, mais il y a eu une manifestation de plus d’un million de personnes et il est resté au pouvoir. Il a démissionné récemment, car il voudrait devenir le prochain président de la république mexicaine.
Mexico est une ville énorme qui bouge tout le temps. Ce qui unit tous les Mexicains, c’est la dévotion à la Vierge Marie de Guadalupe. Il est incroyable de voir combien l’image de la Vierge de Guadalupe est présente partout : dans un bar, il y a un petit autel dans un coin avec l’image, si on prend un taxi, on voit l’image... Cette dévotion est très liée à la tradition mexicaine, et à l’ancienne religion des Indiens : beaucoup de Mexicains sont en partie indiens, qui croient que la Terre-Mère règne et donne la vie. À Guadalupe, le grand sanctuaire, la Vierge a remplacé cette ancienne croyance et elle continue à unir le peuple mexicain. Les Mexicains peuvent être divisés politiquement ou pour d’autres questions, mais dans la dévotion qu’ils ont pour Notre Dame de la Guadalupe, ils sont unis.
Le but de la visite était une rencontre d’un week end avec les jeunes venus à Taizé pour trois mois au cours de ces dernières années. Elle se passait dans une grande ville de 8 millions d’habitants, Léon, dans l’État de Guanajuato. C’était très beau de les revoir tous. Ils avaient décidé de faire cette rencontre dans un quartier très pauvre, et l’on a vu des familles extrêmement pauvres venir chercher les jeunes pour leur donner l’hospitalité pendant deux jours. Elles ont offert tout ce qu’elles pouvaient pour que les jeunes se sentent bien accueillis. Ceux-ci étaient très touchés.
Le samedi après midi, les jeunes ont décidé de faire des gestes de solidarité : l’un était d’aller visiter les Indiens qui habitent en dehors de la ville et sont très pauvres. Il y a quatre tribus. C’était un geste important, car c’est une partie de l’histoire du Mexique qui a toujours besoin d’une réconciliation. Tout le monde connaît l’histoire du Chiapas, mais beaucoup d’Indiens, d’indigènes, ne sont pas reconnus. Ce sont souvent les plus pauvres, qui vivent dans la misère. Etre avec eux était important pour montrer à nouveau qu’on ne les oublie pas. Cela allait de pair avec les introductions bibliques de la Lettre.
L’autre groupe que nous avons visité était fait de jeunes extrêmement violents appartenant à des bandes, des jeunes entre 17 et 25 ans ou plus, qui n’ont pas de lien avec la société, qui restent entre eux, n’ont pas de travail et organisent des gangs pour lutter pour des territoires et des pouvoirs. C’est un grand problème au Mexique. Parfois, ces jeunes ont été aux Etats-Unis, mais en ont été chassés car ils y vivaient dans l’illégalité. Ils sont revenus, et pour se protéger, pour avoir un sentiment d’appartenance, pour être reconnus – car ils n’ont rien –, ils se rassemblent et volent, et se trouvent plongés dans la drogue et la violence. Deux sœurs religieuses travaillent avec eux. Nous avons essayé de contacter ces jeunes et de les écouter et d’être avec eux.
La dernière étape était Colima, une ville proche de la côte pacifique du Mexique. C’est une autre réalité, une ville à côté de deux volcans, dont l’un projetait du feu et des cendres. La ville était pleine de cendres, tout le monde avait peur, mais nous avons décidé de rester. C’était une très belle visite de deux jours, préparée par un jeune, guitariste, qui a passé un an à Taizé. Il y a là un petit chœur, et chaque vendredi soir, ils ont la prière autour de la croix. Ces deux jours étaient très pleins : nous avons visité l’évêque, les séminaristes, l’équipe de la pastorale des jeunes, des jeunes drogués (la drogue est aussi très présente dans cette ville). Nous avons eu une prière autour de la croix, puis une prière de la résurrection dans une autre paroisse, et pour chaque prière l’église était pleine de jeunes, avec aussi des personnes âgées, des adultes, des familles, des enfants…
Le Mexique est énorme : 110 millions d’habitants dont plus de la moitié a moins de vingt ans. C’est un pays très jeune, il y a des jeunes partout. L’Église et la foi sont très présentes dans la vie des gens ; c’est un mystère dans un pays qui a connu la persécution et des moments très difficiles. Comment est-ce possible ? On dit que la Vierge de Guadalupe était là, et qu’elle a tout fait pour que le pays reste uni et que les gens aient la foi.