Il y a tout juste un mois, avec plus de 2000 mille jeunes de l’Afrique et d’ailleurs, nous étions réunis pour une rencontre de jeunes en Afrique du Sud, dans la ville du Cap. C’était une grande joie pour moi de revenir dans ce grand pays qui a montré au monde, il y a 25 ans, la force de la protestation non-violente contre l’apartheid.
Pourtant, il faut aussi dire que la situation en Afrique du Sud reste aujourd’hui très complexe, en particulier en raison des divisions entre les communautés ethniques : les noirs, les blancs, les métis, ont des modes de vie différents et se rencontrent peu. Les quartiers sont séparés et il y a peu de passerelles.
Dans ce contexte, que 1000 familles ouvrent leur porte pour accueillir plus de deux milles jeunes venus de 31 pays sans connaître à l’avance leur origine, était un signe extraordinaire. Il fallait vraiment du courage des deux côtés, de ceux qui accueillaient comme de ceux qui étaient accueillis.
Je dois aussi vous le dire : tout en continuant à animer avec beaucoup de joie ce « pèlerinage de confiance », nous portons aussi, ces derniers temps, une réalité bien sombre dont je pense important de vous parler maintenant.
Ces derniers mois, nous nous sommes engagés dans un travail de vérité concernant des accusations d’agressions à caractère sexuel, commises par des frères sur des mineurs, dans les années 1950 à 1980.
Après avoir signalé ces témoignages à la justice, et après avoir rendu cette démarche publique, j’ai reçu tout récemment un nouveau récit, bouleversant, accusant un frère de manipulation et de harcèlement spirituels, psychologiques et sexuels, depuis de nombreuses années.
Pour que toute la lumière soit faite, j’ai immédiatement transmis ce témoignage aux autorités compétentes. Il y a quelques jours, le frère accusé a été mis en garde à vue, puis mis en examen pour viol et agression, et placé en détention provisoire.
Il nous faut bien sûr attendre que la vérité soit établie. Mais nous devons le dire clairement : si ces faits sont avérés, cela signifie que ce frère a trahi la confiance qui lui avait été faite. Confiance de la personne victime tout d’abord, mais aussi confiance de celles et ceux qui viennent ici, et confiance aussi de nous ses frères.
Avec mes frères, nous sommes sous le choc et nous voulons que toute la lumière soit faite, car une telle emprise est complètement incompatible avec notre vie. Je me tiens aux côtés de la personne victime et nous ferons tout notre possible pour la soutenir.
Si j’ai choisi de vous parler ce soir de ce sujet si grave, c’est parce que notre communauté veut tout faire pour que Taizé reste pour vous un lieu de confiance, un lieu dans lequel vous êtes tous accueillis tels que vous êtes et respectés dans votre intégrité.
Tant de jeunes et de moins jeunes découvrent ou approfondissent ici une confiance en Dieu et dans les autres ! Mais, avec l’apôtre Paul, nous devons bien le dire : ce trésor de la présence de Dieu, nous les frères, nous le portons dans des vases d’argile.
Si certains d’entre vous ressentent le besoin de parler, sachez que des frères et des sœurs, des prêtres et des pasteurs, sont disponibles pour vous écouter, ici dans l’église.
Et maintenant, la prière va continuer avec un geste particulier, que nous avons habituellement le vendredi à Taizé : la prière autour de la croix. Tous ceux qui le veulent pourront s’approcher de la croix, poser leur front sur le bois et, par ce geste, remettre au Christ leurs fardeaux et ceux des autres. Cette prière nous permettra de porter dans notre prière tous ceux qui traversent une épreuve dans leur existence.
Ce soir, nous pourrons tout particulièrement prier pour celles et ceux qui sont victimes d’une emprise, ou de toute forme de violence. Confions-nous au Christ, le bon berger, dans la confiance qu’il nous guide même dans nos nuits.
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