Un frère de la communauté vient de rentrer de 11 jours dans le centre et le nord-est de l’Italie, où il a passé dans 11 villes différentes pour des prières et des rencontres. Il écrit : « Mon voyage en Italie m’a fait croiser de temps en temps le pèlerinage de l’icône de l’amitié, à Florence pour la prière mensuelle au centre-ville, à Treviso pour une assemblée missionnaire diocésaine, et finalement à Padoue pour une grande prière accueillie par les franciscains dans la basilique de saint Antoine. Il est frappant de voir à quel point les gens sont touchés par la venue de l’icône : dans la situation actuelle, ces petits signes qui indiquent une continuité dans l’espace et dans le temps sont très parlants.
En allant ainsi de ville en ville, j’ai beaucoup pensé aux premiers chrétiens. Eux aussi vivaient une fidélité dans la prière et le partage et, même si dans chaque lieu ils n’étaient pas toujours très nombreux, à travers leur engagement et les liens qui les unissaient, Dieu a pu changer le cours de l’histoire bien au-delà de leurs attentes. De même aujourd’hui, dans une situation qui n’est pas toujours très commode pour la foi, le fait que certains continuent en dépit de tout est un vrai signe d’espérance. À Ravenne, par exemple, un groupe se retrouve chaque dimanche soir pour prier autour de l’Eucharistie depuis un séjour que certains ont fait à Taizé il y a 13 ans. À Vérone une prière semblable a lieu chaque jeudi depuis 17 ans. Ailleurs, ce sont des plus jeunes qui chercher des possibilités pour continuer une recherche spirituelle après une expérience sur notre colline. Toutes ces démarches ne sont-elles pas des petites semences d’évangile qui, le moment venu, porteront du fruit au centuple ? »
Rencontre à Arezzo
Pendant le week-end du 10 au 12 novembre, plus de 300 jeunes de toutes les régions d’Italie sont venus dans la ville d’Arezzo, en Toscane, pour se préparer à la rencontre européenne de Zagreb. La rencontre était l’initiative d’un groupe de jeunes qui participent depuis longtemps au « pèlerinage de confiance sur la terre » ; ils ont voulu apporter à leur propre ville quelque chose de l’expérience de prière et de partage au-delà des frontières, si importante pour eux au fil des années. Ils ont pu trouver des familles pour accueillir tous les participants. Les prières avaient lieu dans la cathédrale en présence de l’évêque, qui a soutenu chaleureusement l’initiative.
Chaque matin, une réflexion biblique avait lieu dans l’église Saint Dominique devant le crucifix de Cimabue, l’un des chefs-d’œuvre de l’art religieux italien. Il y avait aussi des carrefours ; l’un d’eux sur « la foi et l’engagement politique », animé par deux politiciennes, a suscité beaucoup d’intérêt. Des Italiens qui venaient de rentrer de Calcutta après y avoir participé à la rencontre expliquaient combien ils étaient impressionnés par leur séjour en Inde et, avant tout, par l’accueil chaleureux des familles dans les villages. Deux jeunes filles étaient venues de Croatie, envoyées pour partager avec tous des nouvelles de la préparation à Zagreb et pour les inviter à la rencontre.
En accueillant les participants le vendredi soir avant la prière autour de la croix, l’évêque disait :
« Mes chers amis, je suis heureux de prier avec vous ce soir. La raison de ma joie est double : parce que je suis lié avec affection à Taizé et à son fondateur frère Roger depuis ma jeunesse, mais surtout parce que je crois que, grâce à ces jours, la richesse humaine et spirituelle de Taizé peut féconder davantage cette Église locale.
Je crois que frère Roger nous a indiqué un chemin qui, tout en étant propre au cheminement œcuménique des Églises, offre quelques indications évangéliques précieuses qui dépassent le milieu œcuménique, pour illuminer la route de l’Église dans sa façon de se reconnaître et d’établir des relations avec les autres.
La spécificité de la démarche œcuménique de frère Roger consiste dans le fait qu’il s’est réconcilié avec l’Église catholique sans rompre la communion avec l’Église évangélique.
Il s’agit d’un cheminement dont la cohérence évangélique est désarmante, qui dépasse et transcende les différences et les difficultés théologiques et canoniques, tout en les comprenant, et sans les nier. C’était un chemin réalisé par frère Roger dans sa propre existence, et qui a trouvé un accueil tacite – mais visible et autorisé – chez des orthodoxes, des protestants et des catholiques. Il s’agit d’une démarche qui est devenue l’héritage de tous les chrétiens, tant il est hors de doute que seule la communion féconde de tous les chrétiens peut donner raison de leur Espérance. Et le monde d’aujourd’hui a surtout besoin de l’Espérance pour vivre !
Frère Roger nous montre que l’identité chrétienne ne se trouve pas en l’érigeant comme un mur de défense contre ce qui crée l’insécurité mais – au contraire – on la trouve en nous réconciliant dans notre diversité avec la force du témoignage et de l’accueil évangéliques. Malheur à nous – c’est la leçon de Taizé – si nous cherchons notre propre identité chrétienne dans la logique des affrontements, nous ne trouverons que des raisons de nous affronter et une insécurité accrue.
Heureux ceux qui, se confiant au Seigneur Jésus, trouvent eux-mêmes et leur identité chrétienne dans la recherche non-violente de la communion et de la paix avec tous. Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux ! Heureux les doux, car ils auront la terre en héritage ! »
Après cette rencontre, un frère de Taizé a voyagé en Italie pendant quinze jours, surtout dans le Nord-Est (Trentino, Vénétie, Frioul, Trieste). Il a rendu visite à des groupes pour des temps de prière et de réflexion sur la préparation du pèlerinage à Zagreb.