Mardi 1er mai
Nous avons souvent entendu qu’en Suède, les gens s’attendent à ce que tout soit planifié bien à l’avance. Ce soir, alors que les premiers groupes arrivaient pour la rencontre, nous avons constaté à quel point cette généralisation est infondée. On avait demandé aux 23 Croates d’arriver, comme prévu, à la maison de paroisse de Sofia Church. Imaginez notre surprise quand nous avons découvert l’appartement d’une des femmes pasteurs âgées, grand ouvert, avec toute sa meilleure porcelaine disposée sur des tables avec des pichets d’eau chaude, attendant leur arrivée ! Le thé et le café, ce n’était pas assez pour elle, elle avait aussi disposé du pain, du fromage, de la confiture et du miel. Au lieu de la salle paroissiale, ils ont été bien accueillis dans une maison. « Maintenant je sais », a-t-elle dit, « pourquoi, au cours des années, j’ai accumulé toutes ces tasses et soucoupes ! »
Une telle générosité a réchauffé les cœurs des pèlerins, ceux de Zagreb en particulier, mais aussi les trois Serbes de Belgrade, qui avaient quitté les Balkans à une heure du matin pour arriver à Stockholm tôt l’après-midi. Un jeune homme de Singapour et quelqu’un d’Autriche sont également arrivés aujourd’hui, pour nous aider à comprendre que ce qui, au départ, était censé être une rencontre nordique, était devenu bien plus vaste. « Laissons nos portes ouvertes ! », a dit ce soir le pasteur de la paroisse, en ajoutant qu’aucun code n’était requis pour entrer dans les bâtiments de paroisse – ce qui n’est pas très courant à Stockholm aujourd’hui…
À cause des vacances du 1er mai, les groupes ont mis plus de temps que prévu pour trouver le centre d’accueil. À un moment, on a même pensé qu’il faudrait laisser de côté la prière prévue afin d’être tout à fait prêts pour accueillir le lendemain le groupe principal de préparation, mais nous nous sommes dits : Non, nous sommes ici pour prier et non pour organiser. Les explications peuvent attendre jusqu’à demain. Et ainsi, dans la chapelle d’Ersta, où les frères avaient prié chaque matin au cours des trois derniers mois, nous nous sommes réunis et nous avons chanté en suédois, avec des lectures bibliques en anglais et en croate. Personne ne nous a remarqués probablement, mais c’est là le levain qui fera lever la pâte au cours des jours à venir.
Mercredi 2 mai
Deux groupes de Danzig ont fait la brève traversée de la mer Baltique pour nous rejoindre à Stockholm. Pour tous c’était leur premier voyage en Suède. Ils ont tellement l’habitude de voyager des jours et des nuits pour participer aux rencontres de Taizé - « C’est magnifique d’avoir quelque chose si près ! » Tous ceux qui sont arrivés aujourd’hui sont venus pour les tâches pratiques pendant la rencontre, aider à la décoration de l’église de Katarina, où les prières auront lieu, et faire les panneaux qui indiqueront comment aller aux différents carrefours. D’autres ont décidé de chanter dans le chœur. Il semble que la plupart des chanteurs ne seront pas suédois bien que nous chantions principalement en suédois !
Le soir, la chapelle d’Ersta était toute pleine de jeunes. Un bon nombre de personnes de Stockholm sont venues pour être avec nous. On sent que la rencontre commence déjà…
22 heures. Un appel de l’église de Katarina. La décoration est presque finie. Deux d’entre nous se risquent à sortir dans l’obscurité. En approchant du vaste bâtiment, l’éclat rougeoyant qui vient de l’intérieur nous annonce la transformation que nous allons découvrir en entrant. Une équipe entière a travaillé dur au cours des derniers deux jours. Des tapis ont été étendus, des tissus colorés accrochés sur les murs, des icônes et des plantes disposées dans le chœur. Plusieurs chandeliers des différentes églises de Sadermalm ont été placés derrière l’autel. Il y a une belle tradition en Suède d’allumer des bougies après communion ou à la fin du service, et de les placer comme des prières sur de tels chandeliers. De cette façon, quand nous prierons dans l’église de Katarina, les différentes églises seront aussi présentes avec nous.
Jeudi 3 mai
Aujourd’hui c’est l’arrivée des Estoniens, Lettons, Lituaniens, Finlandais, Danois, Norvégiens et Suédois. À partir de midi, la maison de paroisse de Katarina était une vraie ruche bourdonnante. Un des moments les plus beaux était l’arrivée d’un jeune pasteur suédois avec son groupe. Trois d’entre eux étaient des Karens du Myanmar tout récemment arrivés en Suède. Le groupe de Zagreb arrivé il y a deux jours a été très fidèle en assumant les tâches de l’accueil - même les plus simples, comme de guider les arrivants depuis la station de métro jusqu’au centre d’accueil. Il n’est pas facile de trouver son chemin en arrivant dans une ville inconnue !
De la maison de paroisse, les jeunes pèlerins sont envoyés vers 14 centres d’accueil différents dans toute la ville, habituellement dans une paroisse de l’Église de Suède, mais parfois dans une paroisse de la Swedish Covenant Church. Plusieurs paroisses sont impliquées dans chacun des centres. Tous les participants logent dans des familles. Dans la paroisse de Kista, plusieurs familles immigrées ouvriront leurs portes pour recevoir des hôtes, un beau signe d’hospitalité évangélique.
On termine les aménagements dans l’église de Katarina alors que l’après-midi s’achemine vers la prière du soir. Le chœur répète. On teste le son. L’équipe d’église commence à donner des feuilles de chants pendant que les gens arrivent pour la prière. Une brève répétition de chants permet d’en apprendre quelques-uns. Et c’est le silence. Les cloches sonnent à toute volée et nous appellent tous à la prière, comme pour le début de tous les services en Suède. « Sjung lovsang, alla länder, och prisa Herrens namm ! – Laudate omnes gentes, laudate Dominum ! »
Vendredi 4 mai
La pluie prévue pour le week-end semble s’être dirigée ailleurs. Un beau temps de printemps suédois accompagnait la première matinée de rencontres dans les 14 centres d’accueil de Stockholm. À l’église de Maria Magdalena, les jeunes d’Allemagne, d’Autriche, d’Ukraine, de Finlande, Norvège et Suède se sont réunis pour un temps de prière, avec une lecture biblique, des intercessions, du silence et des chants. C’était merveilleux de voir que les jeunes animaient la prière. La pasteur s’est assise au fond, elle a dit qu’elle les avait encouragés à tout préparer eux-mêmes.
Deux ensembles de carrefours ont été programmés pour l’après-midi. L’un a commencé à 14 h 30 après la prière, le second à 17 heures. De nombreuses personnes sont venues écouter une réflexion menée par un des frères sur le thème : « Dieu a choisi chacun de nous ; comment pouvons-nous découvrir l’appel de Dieu dans notre vie ? » Le carrefour sur la solidarité a réuni un diacre travaillant avec les personnes âgées, un prêtre dont le ministère spécial s’adresse à des toxicomanes dans une paroisse centrale de Stockholm et une jeune femme d’Estonie qui travaille avec des malades du sida dans son pays. Un des moments les plus animés est venu quand les jeunes du Myanmar, des Philippines, du Salvador et d’Irak ont présenté leur foi par le chant et la danse. Il y a tant de communautés immigrées à Stockholm. C’était une joie de les voir témoigner ensemble d’une foi commune : tant de personnes différentes, d’expériences différentes, de personnes en recherche, de personnes engagées de différentes manières.
En traversant le parvis de l’église Katarina, nous étions accueillis par le parfum des fleurs d’aubépine et de lilas, qui accompagnait ainsi la prière du soir à 20 heures. Encore plus que hier soir, il y avait une densité dans la prière qui ne pouvait venir que du désir intense des participants de se tourner vers Dieu. Les chants ont résonné tout autour de l’immense dôme de l’église. Le temps de silence était vraiment calme. Dans sa méditation, frère Alois a dit : « Je voudrais dire quelques mots de plus aux jeunes qui sont parmi vous. Aujourd’hui c’est surtout vous qui êtes capables de communiquer la confiance en Dieu à ceux qui vous entourent, par votre manière de vivre, et aussi par quelques mots. Ne vous laissez par retenir par les doutes ou l’impression que vous manquez de préparation ou de connaissances. Tout cela fait partie d’une vie sur les traces du Christ. » Et pendant que nous nous réunissions pour prier autour de la croix, on pouvait sentir le désir ardent de tant de personnes d’entrer dans une nouvelle étape de leur marche à la suite du Christ.
Samedi 5 mai
Chacun est tout sourire ! Dans la paroisse Sofia, c’était merveilleux de voir à nouveau les jeunes prendre l’initiative pour la prière du matin. C’était l’un des points les plus saisissants de cette rencontre. Il y a eu grand soutien de la part des prêtres et des responsables des jeunes dans les paroisses, mais on sentait très bien que les jeunes avaient été poussés à prendre des responsabilités dans ces réalités, certes simples mais essentielles, de la foi. À la fin de la prière, les Croates, les Serbes, les Finlandais, les Autrichiens et les Suédois accueillis dans la paroisse se sont réunis pour réfléchir sur la troisième partie de la Lettre de Kolkata. La réflexion était basée sur l’histoire de Jésus apparaissant à ses disciples en Jean 20,11-18, le jour de la résurrection. « La paix soit avec vous ! » Ce sont les premiers mots que Jésus dit à ses disciples après sa résurrection. « Comment est-ce que j’accueille la paix du Christ dans ma vie ? Comment est-ce que je l’offre à d’autres ? »
Dans Immanuelskyrkan, de la Swedish Covenant Church, dans le centre-ville, chaque matin des jeunes pèlerins ont visité Ny Gemenskap, une communauté de laïcs qui offrent un accueil à ceux qui vivent dans les rues. Ils n’y a pas que des Suédois. On trouve aussi souvent des gens d’autres communautés d’immigrés. Une telle hospitalité est un vrai signe d’espérance. Peut-être que des visites comme celle-ci vont encourager d’autres à prendre des initiatives semblables dans leurs propres villes une fois de retour chez eux. « Choisir d’aimer, choisir l’espérance », ce n’est jamais facile, mais il s’agit d’une décision personnelle à assumer. Quand ce choix est fait, nous sommes si souvent étonnés de la plénitude de vie que nous découvrons.
À 17 heures, après un autre après-midi plein de carrefours, les participants ont eu une rencontre par pays ou région. Les jeunes des pays du pourtour de la Baltique étaient ensemble. Ils ont clamé unanimement leur merci pour l’hospitalité offerte par les familles d’accueil suédoises. Les Croates et les Polonais ont suivi avec enthousiasme, en donnant leurs commentaires. Nous avons dépassé tant d’idées préconçues pendant ces jours. C’est un pays qui peut offrir un accueil généreux. Et inspirer d’autres à faire de même…
Il est difficile de trouver des mots pour qualifier la prière du soir finale dans l’église de Katarina. Voir cette église pleine et entendre la beauté du chant était comme une vision prophétique de ce qui est à venir – l’expérience d’un printemps, dans tous les sens du mot. La présence de l’évêque de Stockholm et du superintendant de la Swedish Covenant Church, ainsi que des représentants de l’évêque catholique, sans oublier des baptistes et des membres des églises libres dans l’assemblée, exprimait combien la rencontre avait été soutenue par toutes les communautés chrétiennes de la ville. Mais c’était surtout la présence de tant de jeunes venus librement et leur choix de participer à la prière qui était le plus saisissant. Dans le contexte de la Suède, ce n’est pas peu de chose.
Et la puissance de l’intercession… les kyrie résonnaient clairement quand nous avons prié pour la paix en Irak, pour la réconciliation en Estonie. Un groupe de chrétiens irakiens a lu l’Évangile en araméen, la langue de Jésus : « Je ne vous appelle plus serviteurs, mais amis… » Frère Alois a confié « l’icône de l’amitié » - donnée aux jeunes Suédois pendant la rencontre de Zagreb - au groupe de Linköping. Elle continuera ainsi son pèlerinage et sera, au cours de ces prochaines semaines, le cœur de la prière pour les jeunes de la ville. Le voyage continue. Nous sommes tous des pèlerins qui cherchent à aimer, qui cherchent l’espérance.
Dimanche 6 mai
Dernier jour de notre rencontre. Ce matin, tous étaient dans leurs paroisses d’accueil pour le culte du dimanche. Dans Kista, les Érythréens ont conduit les intercessions. Quel témoignage de foi dans la puissance de la prière ! Avec une grande ferveur, les mains levées, ils ont prié pendant vingt minutes. Les signes de l’universalité de notre foi ont été nombreux pendant de ces jours.
Il y a toujours une légère touche de regret quand ces rencontres prennent fin. On souhaiterait qu’elles durent au moins quelques jours de plus ! À cause de l’accueil chaleureux ici à Stockholm, et parce qu’on sent que des graines ont été plantées dans la vie des jeunes chrétiens, nous aimerions rester là, les aider à se développer, continuer à les soutenir, à les encourager. Comme Pierre, nous voudrions construire des tentes et rester dans cette lumière radieuse où tout semble si clair. Mais Pierre a entendu la voix qui disait : « Voici mon fils bien-aimé, écoutez-le ! » Puis, regardant encore, il n’a vu plus que Jésus, seul. Ensemble les disciples sont redescendus de la colline et ont commencé leur voyage vers Jérusalem. Le signe de l’icône de l’amitié donnée par frère Alois aux jeunes de Linköping nous prouve que le pèlerinage de confiance continuera dans l’ensemble de la Suède même sans les frères. Dans les semaines qui viennent, les jeunes se réuniront pour la prière dans cette ville et de là l’icône continuera son voyage. C’est si important. Ici, la vie d’Église peut souvent être si professionnelle et organisée. Les jeunes peuvent ouvrir des chemins de confiance si on les laisse prendre l’initiative. C’est ce qu’a démontré cette rencontre.
Lundi 7 mai
Les cieux se sont ouverts et il pleut à verse ! Ce matin, nous n’étions plus qu’une poignée réunis à Ersta pour la prière du matin. Notre prière est redevenue invisible, humble signe au milieu de la ville. Qui sait ce qu’elle va donner ? Elle est offerte simplement comme réponse à un Amour. Et elle continuera ici à Stockholm. Le dimanche 13 mai à 16 heures, nous nous réunirons une dernière fois dans l’église de Katarina. Si tout va bien, plusieurs des familles et des jeunes des différentes paroisses de la ville et des environs viendront pour une action de grâce finale avant le départ des frères pour Taizé. À Katarina, les gens étaient si heureux des décorations faites pour la rencontre qu’ils ont décidé de les conserver pendant une semaine encore ! Ainsi les voiles et l’éclairage orange, les fleurs et les icônes aux tons mauves et ambrés resteront en place. Quel bel espace pour la prière dans cette église ! Nous sommes si reconnaissants pour l’accueil reçu.