L’invitation était venue au moment où était annoncé à Taizé le projet d’une recherche de trois ans sur le thème de la nouvelle solidarité. Cela allait donc de soi que la visite serait orientée dans cette direction. Dans le concept de nouvelle solidarité, il y a le désir de rejoindre chacun, de n’oublier personne. À Newcastle, à l’heure de midi, il y eut une rencontre très fraternelle avec les aumôniers d’université, chrétiens de différentes traditions et aussi non-chrétiens. Le soir ce fut possible de se retrouver dans l’Église Unie, proche de l’université.
Le lendemain, visite à la ferme où la communauté de « Cana » qui accueille des sans-logis en ville peut leur donner un peu d’air frais, mais propose aussi des formations pour faire la cuisine, servir à table etc... Après le repas pris tous ensemble, nous avons prié avec ceux qui le souhaitaient. Puis, le soir à Redfern, il y eut une prière. Nous avons été accueillis par Pearl, une femme aborigène, une manière de reconnaître que nous allions prier sur la terre de son ethnie. Cela semble banal quand on l’écrit ainsi, mais il était essentiel de signifier que le sol sur lequel nous allions prier appartenait aux premiers habitants de l’Australie.
Un autre jour, Jenny, qui avait travaillé pendant de nombreuses années dans l’accueil des réfugiés, avait organisé une visite au Service Jésuite des Réfugiés – cela nous a permis de mieux comprendre les problèmes parfois insolubles des demandeurs d’asile et des réfugiés. La paroisse St Canice où a eu lieu la prière de midi, est elle aussi très engagée auprès des sans-abri.
Chaque mardi soir, à l’initiative de l’Église Copte Orthodoxe, des repas sont distribués à Woolloomoo pour des sans-abri, des émigrés, des jeunes pauvres. Le père Shenouda, qui est aussi le Président du Conseil Œcuménique de Nouvelle-Galles du Sud, a un rayonnement tel qu’il communique une confiance tant aux volontaires qu’à ceux qui viennent chercher à manger. Un moment émouvant fut quand j’ai entendu la personne devant moi présenter une petite boîte en plastique, en disant : « S’il vous plaît, pour mon fils et pour moi ». La pauvre veuve de Sarepta était devant moi.
Frère Roger disait souvent : « J’irai jusqu’au bout du monde pour dire ma confiance dans les jeunes générations ». Au cours de ma dernière visite en Australie, je m’en suis souvenu partout, que ce soit à Darwin en rencontrant les étudiants de Kormilda College, ou en voyant prier le grand groupe venu à la prière du soir à la cathédrale anglicane. Ce qui était frappant, c’était de sentir qu’eux aussi avaient confiance en nous. Et pourtant leurs aumôniers disaient que beaucoup souffrent de situations familiales difficiles. À l’église unie de Brougham Place, le jeune pasteur avait tenu à ce que la petite chorale ne soit formée que de jeunes. Certains d’entre eux avaient des examens le lendemain… C’était la première fois qu’ils jouaient et chantaient dans ce type de prière méditative.
À Wollongong, les élèves de sept écoles de différentes traditions ont passé plus de cinq heures à réfléchir d’abord seuls puis en petits groupes sur le thème proposé cette année : « ouvrir des chemins de confiance entre les êtres humains ». Pendant la prière, chacun est venu déposer près de l’autel une étoffe de couleur sur laquelle il avait écrit le mot ou la phrase qui l’avait frappé à la lecture de la « Lettre 2012 ». Ce geste tout simple était comme un engagement à mettre en pratique cette parole.
Visites en septembre 2011
En septembre 2011, deux frères ont visité plusieurs États de l’Australie. L’invitation initiale venait de « Queensland Churches Together » dans le cadre de la célébration du 20e anniversaire de sa fondation, mais ce voyage est devenu une expression du pèlerinage de confiance dans ses formes les plus diverses.
Melbourne : partage en petits groupes
Jeudi 8 septembre
Arriver à Melbourne directement des rencontres de l’été à Taizé était un vrai défi ! Le décalage horaire n’est jamais facile à surmonter, et le temps du vol, nous avons passé de la chaleur de la Bourgogne à la fin de l’hiver dans cet État, où le printemps ne montrait pas encore vraiment son visage. Mais à midi, nous avons marché jusqu’à l’Université de Melbourne, non loin de là où nous logions. Un temps de prière et de partage a réuni des étudiants aux origines très variées : chinoise, tamoule, malaise, singapourienne, indonésienne, timorienne, allemande, philippine, thaïe. Nous étions plongés sans transition dans la réalité multiculturelle de l’Australie d’aujourd’hui.
Nous avions décidé de prendre chaque jour un thème dans la « Lettre du Chili ». Le thème d’aujourd’hui était la joie, joie qui peut être « éveillée par la surprise d’une rencontre, par la durée d’une amitié, par la création artistique ou encore par la beauté de la nature… » C’était la rencontre inattendue avec les jeunes de tant de milieux différents qui apportait cette joie aujourd’hui !
Melbourne : petit groupe
Le soir, prière à l’église anglicane St. Stephen à Richmond. Encore une fois, de nombreux jeunes de différentes Églises. La prière peut être si belle dans une église où tout est disposé simplement pour prier ensemble.
Vendredi 9 septembre
Dans la montagne ! Prière du matin dans la minuscule Mount Macedon Uniting Church au nord de Melbourne. L’église a brûlé en 1983 le Mercredi des Cendres, pendant les incendies de brousse, mais elle a été reconstruite par la paroisse. Accueil chaleureux par une journée très froide. Une petite communauté, mais bienveillante. « L’option pour la joie est inséparable de l’option pour l’homme. Elle nous emplit d’une compassion sans limites. » Ces paroles de la « Lettre du Chili » demeuraient présentes tandis que nous réfléchissions sur le thème de la compassion.
De retour à Melbourne pour la prière de midi. Réunion d’aumônerie à l’Université Monash. Nous sommes dans une immense salle aux larges baies vitrées. Pas idéal ! Mais avec une icône de la croix, quelques bougies et des tissus colorés, la prière devient possible. Les gens qui marchent dans la rue au dehors nous voient très bien.
Arrêt à Geelong en soirée. Les « Geelong Cats » jouent le même soir dans la finale australienne de football – quelqu’un viendra-t-il prier ? La United Wesley Church nous accueille. Tous les bancs de l’église sont repoussés pour créer un magnifique espace de prière. La réflexion sur Matthieu 26 et l’histoire de la femme qui a oint Jésus avant sa mort nous aide à imaginer ce que peut signifier pour nous servir les pauvres.
Samedi 10 septembre
Melbourne : prière à RMIT
Une journée complète à l’Université RMIT. Le bâtiment de l’aumônerie est dans la vieille prison de Melbourne. Que d’histoires ses murs doivent-ils raconter ! L’aumônerie est « multi-foi ». Une immense tapisserie de l’arbre de vie orne le mur du fond. Des salles pour les ablutions sont disponibles pour les personnes dont les religions le requièrent avant la prière.
70 jeunes se rassemblent. Une fois encore, le nombre des nationalités présentes est incroyable. Certains catholiques chinois qui avaient été à Taizé sur le chemin des JMJ à Madrid se joignent joyeusement à nous. Prière du matin, étude biblique, petits groupes de partage, prière de midi et différents carrefours rythment la journée. Un carrefour est animé par un groupe chrétien appelé « Urban Seeds » qui s’occupe des sans-abri dans la ville. Les participants ont marché à travers les rues jusqu’aux différents points où les sans-abri se rencontrent. Un autre est sur l’art de raconter : la parabole du Bon Samaritain est présentée dans le langage d’aujourd’hui.
La prière du soir à l’église catholique St. Francis conclut la journée. Un véritable sentiment de communauté dans ce bâtiment, une oasis de prière dans le centre-ville. Rien de plus à ajouter. Sinon savourer la beauté.
En portant le regard sur ces derniers jours à Victoria, il n’y a que de la reconnaissance. Tout a été organisé par deux jeunes femmes dont l’une a été bénévole à Taizé pendant quelques mois ; l’autre n’avait jamais été à Taizé. Elles ne se connaissaient pas avant. Pourtant, elles ont travaillé ensemble à contacter les différentes églises et inviter les jeunes à venir prendre part. Ce fut un vrai pèlerinage de confiance, la joie reçue tout au long a été un vrai cadeau.
Melbourne : prière à St Francis
Dimanche 11 septembre
Canberra, capitale fédérale. Plus de 60 % de la population de la ville travaille dans les ministères. Dixième anniversaire des attentats du 11 septembre. Prière pour la paix, en se souvenant de Jésus qui, ressuscité des morts, souffla « shalom » sur ses disciples et les envoya, – comme le Père l’avait envoyé –, annoncer le pardon.
Lundi 12 septembre
Visite d’une école catholique à Bowral, Nouvelle-Galles du Sud. L’enseignant a été plusieurs fois à Taizé dans le passé. Une occasion de rencontrer les élèves plus âgés. Pour beaucoup, l’école est leur seul contact avec l’Église.
Mardi 13 septembre
Sydney
Sydney. Visites à d’autres écoles, une école des filles de la Uniting Church et une école catholique de garçons. Un moment pour montrer le film sur la vie de la communauté, avec réponses aux questions, et ensuite préparer un temps d’adoration. Il est important de sortir et de rencontrer les jeunes là où ils sont. Dans les célébrations paroissiales, ils ne sont pas si nombreux.
Dans la soirée, prière à l’église anglicane St. James sur la King Street au centre-ville. En 2008, lors des JMJ, Taizé a animé des prières dans cette église. Il était bon d’y être de retour ! Le recteur nous a chaleureusement accueillis. Le chant est beau, longue prière autour de la croix avant que chacun allume son petit cierge pour la célébration de la résurrection de Jésus.
Jeudi 15 septembre
Nous sommes arrivés à Brisbane depuis Sydney la nuit dernière avec l’icône de la croix. Aujourd’hui, visite à une école anglicane dans la banlieue sud. Rencontre avec l’ensemble de l’école – plutôt décourageant ! Mais lorsque nous demandons « Qu’est-ce que la prière ? », les plus jeunes enfants répondent spontanément « Parler avec Dieu », « Rencontrer Jésus. » Comment se fait-il que des enfants puissent comprendre si facilement l’essentiel de la foi ?
Brisbane : répétition
Le directeur de l’école et l’aumônier voulaient que les élèves découvrent que la prière peut être contemplative, qu’elle n’a pas à être toujours un spectacle ou un concert. Avec les élèves plus âgés, nous passons la deuxième heure à apprendre quelques chants de Taizé. Pour la troisième partie, nous nous réunissons avec différents groupes par tranche d’âge. Avec l’aide des élèves plus âgés, nous parlons de la prière à Taizé et nous leur apprenons certains chants. Après le déjeuner, la journée se termine par un temps d’adoration pour les trois groupes. Tous ont gardé impeccablement le silence, le chant était beau, nous étions face à l’autel dans un espace créé par les élèves : beaucoup d’icônes et de bougies.
Le soir : rencontre dans une église de la Uniting Church au centre-ville. Le peuple de Dieu dans toute sa diversité.
Vendredi 16 septembre
En voiture à Toowoomba, à l’ouest de Brisbane. Barbecue à l’extérieur de l’église à la mode australienne. Rencontre avec les jeunes de différentes paroisses de la ville, suivie de la prière dans la paroisse anglicane St. Luke. C’est la fête des fleurs, donc l’église est ornée de magnifiques arrangements floraux. L’un d’eux commémore les victimes des inondations qui ont ravagé la ville et les alentours en janvier. Une journaliste vient parler du livre qu’elle prépare. Elle a interrogé plus de 100 personnes qui avaient été piégées dans des situations difficiles pendant ces jours dramatiques. Le livre aidera à garder vivante la mémoire des disparus.
Samedi 17 septembre
Notre dernière journée de rencontres. Rassemblement à la cathédrale catholique de Brisbane pour une prière et un atelier de musique. Les gens sont venus de partout dans la ville et du Sud-Est du Queensland. Après coup, une dame a dit : « Nous avons compris maintenant que la musique de Taizé est faite pour prier, non pour un concert, et que nous devons inviter les jeunes à y participer. Ils ont besoin d’être accueillis. »
Conclusion de la journée : prière du soir dans la cathédrale anglicane. Les musiciens et les solistes se sont préparés pendant l’après-midi. La plupart ne connaissaient pas les chants avant. Mais beaucoup voulaient continuer ensuite.
Dimanche 18 septembre
Une dernière étape du pèlerinage : prière du matin dans une église aborigène à Logan, au sud de Brisbane. Le pasteur vient de Tonga, mais la congrégation est composée d’Australiens aborigènes. Chants joyeux, prédication sur l’amour du Christ, et ensuite, impossible de quitter les lieux sans partager le déjeuner du dimanche. L’hospitalité fait partie de l’Évangile. Cette congrégation aborigène ne peut pas vivre autrement.
Sydney : Prières à St James : 2008
A l’invitation du pape Benoît XVI, les journées mondiales de la jeunesse ont eu lieu à Sydney du 15 au 20 juillet 2008. A partir du lundi 14 juillet, des frères de la communauté ont animé des prières avec des chants de Taizé, dans une paroisse du centre ville de Sydney.
Pendant toute une semaine on entendait dans les rues et les gares de Sydney les voix animées des jeunes de tous les continents du monde. Les Journées Mondiales de la Jeunesse ont attiré 250’000 pèlerins réunis pour célébrer leur foi et leur espérance.
Là où les bâtiments massifs du quartier des affaires rejoignent le grand parc en face de St Mary’s Cathedral, on trouve la belle église anglicane de St James aux couleurs ocres chaleureuses. C’est dans cette église que l’on venait se joindre à quelques frères de Taizé pour la prière quotidienne. Au fil de la semaine, des jeunes de plus en plus nombreux se pressaient dans l’église au point qu’à la fin, certains ne parvenaient même pas à entrer, alors qu’il y avait jusqu’à quatre prières l’après-midi et le soir. Un chœur et des instrumentistes étaient présents toute la semaine pour soutenir les chants.
Il y avait toujours des personnes de différentes confessions. Les jeunes ont lu les Écritures en six langues. Ils ont également aidé pour les intercessions. Au cours de trois prières du soir, frère Alois a parlé aux jeunes pèlerins.
Chaque jour, à la fin de la dernière prière du soir, la croix a été posée sur le sol et tous ont attendu patiemment dans une longue file pour pouvoir confier au Christ leurs inquiétudes, leurs craintes et leurs espoirs. À la dernière prière, le Premier ministre d’Australie, qui avait parlé aux jeunes pèlerins au début de la semaine pendant la cérémonie d’ouverture, est venu avec sa famille prier avec les jeunes pendant deux heures.
Les rues du centre ville ont été fermées à la circulation, et même le célèbre Sydney Harbour Bridge a été fermé pendant une journée entière, ce qui a causé des problèmes aux automobilistes. Mais les habitants de Sydney ont répondu généreusement, quittant leurs habitudes pour offrir l’hospitalité aux si nombreux visiteurs. La ville s’est trouvée transformée par tous ces groupes, identifiés parfois par leur drapeau national, qui marchaient en chantant le long des rues pour aller d’un événement à un autre.
Quel changement, même pour une ville de plus de 4 millions d’habitants, quand les gens, pendant quelques jours, sont unis en communion les uns avec les autres et avec toute l’Église !
De retour de Sydney, frère Alois a dit aux jeunes réunis à Taizé :
Avec trois de nos frères, nous sommes allés en Australie pour les journées mondiales de la jeunesse auxquelles le Pape Benoît XVI a invité des jeunes de tous les continents. Partant au début de la semaine dernière, il nous a fallu quitter beaucoup de jeunes qui étaient ici sur la colline, pour aller rejoindre ceux qui étaient réunis à Sydney.
Comme c’était le cas lors de chacune des journées mondiales précédentes, nous avions été invités à animer des prières chaque jour de la semaine. A Sydney c’était dans la belle église Saint James, située au centre de la ville.
Dans cette église, qui est anglicane, nous avons trouvé une collaboration fraternelle de la part des jeunes du lieu. Ainsi, des jeunes d’une autre confession se sont associés à l‘accueil des jeunes catholiques. Depuis de nombreuses années, de temps en temps l’un de nos frères allait déjà dans cette même église soutenir une prière avec des chrétiens de Sydney et nous étions heureux de cette continuité.
Le soir, nous terminions par la prière autour de la croix, les jeunes restaient longuement pour chanter et prier. D’autres jeunes attendaient dehors de pouvoir à leur tour venir prier autour de la croix déposée au sol.
Là-bas, nous nous sommes rappelés que frère Roger est mort voici trois ans précisément au moment où se tenaient les journées mondiales de la jeunesse, cette année-là à Cologne.
Pendant ces jours en Australie, le Pape Benoît XVI a appelé les jeunes à devenir des témoins du Christ. Et ici à Taizé, semaine après semaine, nous voudrions nous aussi faire tout notre possible pour que ceux qui se réunissent sur notre colline trouvent dans la confiance au Christ un sens à leur vie.