Bâtir une rencontre
Un Hôtel de Ville baroque, une imposante cathédrale néo-romane et les vestiges d’un cimetière chrétien du IVe siècle, des remparts médiévaux autour de la ville, une mosquée du XVIe siècle, des galeries commerciales flambant neuves et des ruelles étroites et sinueuses, toutes choses étant proches l’une de l’autre, rappellent que la ville, moderne, a aussi son histoire. Pécs sera la capitale européenne de la culture en 2010, ce qui signifie que pendant la préparation de la rencontre et tout au long de celle-ci, la ville était dans un état d’effervescence dû aux travaux de reconstruction de nombreuses places et rues principales. Chaque jour, il fallait à nouveau trouver son chemin à travers les tranchées et les montagnes de sable et de pierres. Cette fébrilité était aussi une métaphore pour ceux qui préparaient la rencontre – nous voulions aussi construire une ville nouvelle, plus belle, mais de l’intérieur. Et il est vrai que lorsqu’on essaye de construire quelque chose, cela peut devenir chaotique avant que ce qu’on veut construire devienne réalité.
L’accueil dans cette petite ville, nichée en bas des collines Mecsek, a été chaleureux, dans tous les sens du terme ! Son climat « méditerranéen » est aussi réputé que la générosité de ses habitants, comme le prouve le fait que tous les jeunes ont pu être accueillis par les habitants dans leur propre maison pendant la rencontre. En réalité, au bout du compte, bien plus de lieux d’accueil que nécessaire ont été offerts.
Pendant les prières communes, environ trois mille personnes ont rempli le Hall des Sports de la ville (le seul lieu pouvant accueillir tout le monde), et dimanche après-midi la cathédrale a été envahie aussi bien par des jeunes que par des personnes plus âgées. À la fin de chaque prière commune, frère Alois a prononcé une courte méditation, soulignant le fait qu’à chacun est confiée la même tâche qu’aux premiers disciples – être des témoins de l’Evangile à la maison, où le Christ ressuscité déjà nous attend. Au terme de la rencontre, Mgr Mihály Mayer, l’évêque du diocèse, a encouragé les jeunes en disant que l’Église a confiance en eux et les aime.
Parmi les plusieurs milliers de participants, un nombre considérable est venu de l’étranger. Des groupes sont venus de Croatie, Ukraine, Pologne, Roumanie, Serbie, Slovénie et Bosnie-Herzégovine. Il y avait également des jeunes de Slovaquie, Autriche, Allemagne, Portugal, France, Italie, Pays-Bas, Espagne, Lituanie, Finlande, États-Unis, Brésil, Porto Rico, Congo, Égypte et Japon.
Questions d’hier, défis pour aujourd’hui
Les souvenirs de la rencontre de Pécs organisée par les frères de Taizé en 1989 sont toujours bien vivants dans les mémoires des personnes plus âgées de la ville. Alors que l’Europe était encore coupée en deux, ils se souviennent des jeunes qu’ils ont accueillis dans leur maison et l’atmosphère d’espoir et d’optimisme qui a marqué la rencontre en ces jours-là... On avait vraiment l’impression que la préparation de la rencontre de 2009 avait commencé 20 ans plus tôt. Mais cette rencontre ne portait pas de regard nostalgique – cette fois-ci, c’était la génération de leurs enfants qui organisaient et participaient à la rencontre. Beaucoup d’entre eux ont été encouragés à participer par leurs parents, leurs professeurs, pour qui la première rencontre avait été un événement si marquant.
Bien entendu, les jeunes d’aujourd’hui se posent les mêmes questions que toujours : Comment puis-je découvrir ma vocation dans ma vie ? Comment continuer à faire confiance face aux difficultés ou aux échecs ? Comment Dieu nous parle-t-il aujourd’hui ?
L’après-midi, les carrefours ont été très appréciés par les jeunes qui sont venus y assister en grand nombre. Beaucoup ont choisi de participer aux carrefours sur la manière de découvrir l’appel de Dieu dans sa vie, la Bible et les écrits des Pères de l’Église. En plus des carrefours musicaux et programmes divers, d’autres jeunes ont été attirés par les carrefours sur le peuple Rom et sur la vie quand on a un handicap. Un carrefour a abordé les questions bibliques liées à la protection de l’environnement. Comment pouvons-nous contribuer à un développement durable dans le monde, utiliser les ressources d’énergie, promouvoir le commerce équitable... ?
Le premier jour de la rencontre a coïncidé avec l’anniversaire de la révolution de 1956 – jour férié en Hongrie. L’un des carrefours offerts ce jour-là évoquait le thème de la liberté : cette liberté pour laquelle beaucoup se sont battus au XXe siècle et qui semble aujourd’hui si naturelle à ceux qui ont moins de 25 ans.
Après l’euphorie des 20 dernières années, il est maintenant essentiel de trouver un nouveau dynamisme. Avec tous ces jeunes venus pour se rencontrer, on peut espérer qu’ils parviendront à dépasser les difficultés de nos vies quotidiennes. Tout au long du week-end, une véritable communion était visible, rassemblant à la fois des habitants de la ville et des invités de plus loin, peu importait de quel pays ils venaient, quelle langue ils parlaient, ou à quelle église ils appartenaient.
Réflexions personnelles de quelques participants
Zoltán de Timişoara (Roumanie) : Lorsque je suis arrivé à Pécs, j’ai été immédiatement accueilli par un petit groupe très occupé dans lequel chacun savait quelle était sa tâche : certains faisaient des signes pour orienter les arrivants, d’autres vérifiaient la liste des invités attendus, d’autres encore répondaient à de nombreux appels téléphoniques. J’étais très heureux d’entendre des mélodies familières pendant la première prière de l’après-midi. Nous avons surtout chanté en hongrois, mais à mesure que les participants arrivaient, nous avons également chanté en croate, roumain, polonais et ukrainien. Les chants de la première prière commune dans le Hall des Sports ont été un réel signe de réconciliation. Ces chants étaient remplis d’espoir et d’enthousiasme, porteurs d’un message : les possibilités de réconciliation existent même entre les pays qui dans le passé ont souffert de blessures apparemment impardonnables. Ensuite, la prière autour de la croix a continué. Nous sommes retournés à la maison dimanche, nés à nouveau dans l’Esprit, pleins de bons souvenirs, espérant au fond de nos cœurs que ce que nous avons vécu à Pécs nous aiderait à surmonter les difficultés de nos vies quotidiennes.
Maryana d’Ukraine : La rencontre à Pécs a été une très belle expérience. Les gens ont été si aimables envers nous, les familles étaient géniales. Les paroisses, les prières étaient très bien organisées. Tous les participants de notre groupe étaient contents d’avoir pu venir à Pécs. Pour la plupart d’entre eux, c’était leur première rencontre de Taizé et ils en gardent d’inoubliables souvenirs.
Un participant de 18 ans écrit : J’ai passé un week-end mémorable à Pécs lors de la rencontre de Taizé. Nous avons pris le train spécial de Budapest avec plusieurs copains de classe, un peu inquiets de ce que la météo nous réserverait, car celle-ci peut fortement influencer l’ambiance d’une rencontre. Mais nous n’avons pas été déçus. Notre hôte, Vera, nous a raconté de longues histoires à propos de sa ville et de sa famille, nous avons donc découvert le côté spirituel de la rencontre tout en nous identifiant un peu plus à la ville. C’était très prenant de participer aux prières communes dans les paroisses et dans le Hall des Sports. Je me souviens avec gratitude de l’attention et de la gentillesse des organisateurs. Le partage autour du thème de l’amitié dans les petits groupes le samedi matin a été très important pour moi. Après avoir participé aux rencontres à Bruxelles et à Pécs, je me sens de plus en plus motivé pour retourner à la maison et être une lumière pour les autres, proclamer la bonne nouvelle avec une énergie nouvelle tout comme nous y avons été encouragés et comme nous l’avons vécu durant la dernière prière.
Annamária de Pécs : Les dernières semaines ont été vécues avec une grande attente. Nous avons continué à parler de la rencontre autour de nous et à demander aux gens d’offrir des lieux d’hébergement. Chaque semaine, on se retrouvait pour la prière du soir, des répétitions de chants et toutes sortes de préparation pour l’accueil des jeunes. En plus des Hongrois, on nous avait dit que nous allions accueillir des Croates et des Slovènes, nous avons donc préparé les signes d’orientation, les annonces dans ces deux langues, nous avons imprimé les programmes, trouvé des interprètes et préparé les documents d’information pour les familles d’accueil. Nous étions très excités par ce qui allait se passer, comment l’accueil se déroulerait. Les premiers invités sont arrivés vers 10 heures. À notre grande surprise, c’était des Ukrainiens qui ne parlaient pas d’autres langues. Ensuite, des Serbes sont arrivés, puis des Croates, mais personne de Slovénie. Nous ne nous attendions pas à cela, mais loin d’être désespérés, nous avons trouvé un interprète ukrainien. Globalement, nous pouvons dire que les programmes organisés pendant la rencontre et dans les paroisses ont été un grand succès, de nouveaux liens d’amitiés se sont formés, nous avons appris à accepter des jeunes de confessions différentes. Frère Alois nous a parlé avec humilité, nous avons appris à quel point le silence peut être bon et quelle grande force il recèle ! Les jeunes sont retournés à la maison mais ils ont laissé quelque chose dans notre ville, dans nos cœurs ! Beaucoup d’entre nous iront à Poznań.
Marie de France : ... Notre famille d’accueil nous a reçues comme des reines ! Il y avait une grande joie à se rencontrer, à partager nos expériences et nos quotidiens. Ce couple a une foi très belle et la confiance qu’ils gardent face aux difficultés de la vie est si forte. Le père de la famille animait un carrefour et il était très heureux d’avoir cette opportunité. Cela me remplissait de joie de voir tant de gens heureux que la rencontre ait lieu. Beaucoup d’adultes se rappelaient la rencontre en 1989 et redécouvraient quelque chose qui les avait touchés au plus profond de leur cœur 20 ans auparavant.
Bogi : La rencontre m’a beaucoup enrichie. Je voulais vraiment vivre une expérience spirituelle parce que ma vie est un peu difficile. J’ai pu rassembler mes pensées et vivre l’amour de Dieu à Pécs. J’ai été très heureuse d’être entourée par tant de jeunes tous prêts à aider. Ma famille d’accueil a été très sympa, elle m’a adoptée pendant ces quelques jours comme si j’étais leur fille et a donné le meilleur d’elle-même pour prendre soin de moi. Je rends grâce à Dieu pour cela et j’encourage chacun à vivre des expériences similaires.
Gyuri de Pécs : Les frères sont maintenant repartis à Taizé. Cela marque-t-il la fin de tout ? Tous les participants savent bien que non. La rencontre de Taizé n’est pas semblable à un festival ni à une autre rencontre chrétienne. Le but de la rencontre n’était pas de nous enrichir de beaux souvenirs. La rencontre est bien plus que cela pour nous tous. La joie de tourner notre regard ensemble vers le Seigneur. La joie de mettre notre confiance dans les autres. La rencontre est terminée mais elle nous a enseigné des choses importantes que l’on ne peut décrire avec des mots. Les jeunes sont partis en nous laissant leur foi et la joie de vivre ensemble dans la paix, l’amour et la confiance mutuelle.
Andreea de la Roumanie : L’expérience vécue avec ma famille d’accueil à Pécs fut une vraie source d’enrichissement, qui m’a fait réfléchir à ce qui fonde les relations humaines. Elle m’a montré de nouveau que les gestes comptent bien davantage que les mots. Avec les adolescents de la famille, je m’en suis sortie en utilisant un peu d’anglais, un peu d’allemand. Le père, un homme très gentil, a fait toutes sortes de tentatives pour se faire comprendre. Par exemple, dès le matin, il nous saluait en utilisant des expressions anglaises tout juste trouvées sur Internet, des expressions qui occupaient toute son attention à tel point qu’il en oubliait de manger. Finalement, quand il n’avait aucun moyen de faire passer son message, il commençait simplement à parler en hongrois, dans l’espoir de se faire comprendre. Certes, nous n’avions peut-être pas entièrement pénétré le sens de ses paroles, mais par les regards chaleureux et les sourires que l’on voyait sur son visage et sur ceux de sa femme et de ses enfants, nous avons compris l’essentiel de ce qu’ils avaient voulu nous transmettre. Cette expérience m’a rappelé l’exhortation de Jésus aux apôtres, de garder confiance et espérance dans leurs cœurs en répandant la parole dans le monde. Avant de venir à Pécs, j’étais inquiète d’être envoyée dans une famille que je ne serais pas capable de comprendre ; et Dieu m’a montré que ma préoccupation n’était pas fondée, car j’ai réussi à très bien m’entendre avec mes hôtes, par le fait que nous avons pu parler une même langue, celle du cœur, qui a sa source en Dieu seul et qui est la même pour tous les peuples.
