Vie intérieure et fraternitéJeudi 5 juillet | Taizé, église de la Réconciliation Comme tout au long de l’année, les rencontres internationales vont se poursuivre au cours de l’été à Taizé. Cette semaine, vous êtes venus nombreux de l’Allemagne et de la Suède, mais aussi de l’Irlande, du Royaume-Uni, de France, de la Pologne ou du Portugal. Ces jours arrivent aussi des volontaires de tous les continents qui vont rester tout l’été à Taizé. À tous, je souhaite la bienvenue. Un événement particulier que nous allons vivre ces jours prochains à Taizé est le deuxième week-end d’amitié entre jeunes chrétiens et musulmans. Le premier week-end, au printemps 2017, avait été un temps fort, une expérience de partage et d’échange. Nous avons voulu renouveler et élargir cette rencontre interreligieuse. Je voudrais saluer tout particulièrement ce soir les jeunes qui sont arrivés aujourd’hui pour participer à ce week-end d’amitié, ainsi que tous les intervenants des deux religions qui vont animer les différents temps de cette session. En particulier, je souhaite la bienvenue aux jeunes musulmans. A ces amis musulmans qui passeront ces quelques jours à Taizé, je voudrais dire : votre confiance nous touche. En effet, en sachant que notre communauté appartient à la tradition chrétienne, vous avez fait le choix de nous rejoindre pour passer ces jours ensemble. Merci et bienvenue ! Pour nous les frères, c’est au nom même de notre foi chrétienne que nous souhaitons vous accueillir et entrer en dialogue. En effet, nous voyons dans l’Évangile combien Jésus a dépassé des barrières culturelles, sociales et religieuses de son temps pour entrer en relation avec des gens très différents. Comment adopter à notre tour cette attitude de profonde ouverture que nous voyons à l’œuvre dans la vie de Jésus ? C’est d’abord, je crois, par une vie intérieure épanouie que nous pouvons recevoir sans peur la différence de l’autre, son altérité, dans une confiance bienveillante. Le fruit de cette attitude intérieure se trouve dans une fraternité authentique avec ceux qui nous entourent. Depuis plusieurs décennies, des frères de notre communauté vivent cette amitié dans de petits groupes sur les différents continents. Au Bangladesh et au Sénégal, dans des quartiers dont la population est à majorité musulmane, leur présence toute humble permet de nouer de beaux liens d’amitié. Si nous parlons de fraternité, c’est aussi parce que nous croyons que Dieu est un père pour tous les humains. Et pour nous chrétiens, c’est par la vie, la mort et la résurrection de Jésus que nous découvrons cet amour inconditionnel de Dieu. Faire grandir la fraternité et l’amitié implique de respecter l’autre dans sa différence. Dans tout dialogue interreligieux authentique, il y a comme une distance respectueuse qui devrait nous éviter de vouloir forcer l’autre à penser comme nous. Une amitié véritable est possible avec des personnes qui pensent très différemment même sur des sujets essentiels ! Bien sûr, cette amitié comporte aussi, sans doute, un élément de douleur, car le trésor de ma foi ne peut pas être entièrement reçu et partagé par l’autre. Ce qui est pour moi la source d’une joie profonde peut même lui rester inaccessible. Que cela ne nous retienne pas d’entrer en dialogue ! Même avec ces mystérieuses limites, nous sommes toujours appelés à aimer et respecter l’autre tel qu’il est, à nous efforcer de mieux connaître ce qu’il croit et ce dont il vit. Récemment, nous en avons fait l’expérience lors de la visite d’une trentaine de moines et de moniales bouddhistes de la Corée. Ils souhaitaient partager la vie de notre communauté pour une journée. Quelle belle expérience cela a été ! Nous accueillons aussi régulièrement deux amis rabbins, très enracinés dans leur foi juive. Notre prière est comme nourrie par ces rencontres et ces amitiés, notre vie fraternelle aussi. Dans cette période où notre monde est souvent secoué par des événements violents, il est fondamental de tout faire pour exprimer que les religions ne veulent pas la violence mais cherchent à être des facteurs de paix, d’amitié, de fraternité entre tous les humains. Ici à Taizé, depuis plusieurs années, nous accueillons des réfugiés de divers pays du Proche-Orient, et aussi du Soudan, de l’Érythrée, de l’Afghanistan. Parmi ces exilés, plusieurs sont musulmans. Au fil du temps, une amitié profonde s’est développée entre nous. Et notre regard sur le monde change lorsque nous entrons en relation, très concrètement, avec des personnes venant d’ailleurs. Je souhaite que ces jours à Taizé permettent à chacun et chacune d’entre nous de connaître un tel élargissement du cœur. Nous pourrons alors nous accueillir mutuellement, nous laisser accueillir par l’autre – la personne qui est en face de moi, l’étranger, celui qui est différent de moi. Votre génération a, comme jamais auparavant dans l’histoire, la possibilité de réaliser une solidarité universelle. Puissions-nous tous découvrir dès aujourd’hui cette universalité de la famille humaine. Je crois qu’avec elle grandit aussi une sensibilité pour ceux qui nous sont très proches.
[1] [1] Photo : Vincent Bellec |