Fin avril et début mai, alors que les forces armées russes continuaient leur offensive sur le territoire ukrainien, trois frères de Taizé se sont rendu en Ukraine. Voici quelques échos de ce voyage.
Mikolaiev
Depuis la frontière slovaque, les frères se sont d’abord rendu dans la ville de Mikolaiev, où ils étaient attendus par un prêtre gréco-catholique et une équipe de jeunes femmes volontaires. Le centre logistique où elles travaillent chaque jour depuis fin février est protégé à l’extérieur par des murs de sacs de sable. À l’intérieur on voit des tas des choses empilées comme des vêtements, de la nourriture et des médicaments, qui sont empaquetés et envoyés au front.
Ensuite les frères ont visité un lieu où sont logées des personnes déplacées à l’intérieur du territoire, ayant dû fuir l’est du pays. Un des frères explique : « Nous avons eu quelques échanges avec les volontaires, nous avons visité les lieux, pris des photos, serré des mains… À chacune de ces étapes, nous avons dû apprendre quoi dire et quoi demander, car la plupart du temps les paroles manquaient, comme lorsque l’une des jeunes femmes les plus impliquées nous confiait que son meilleur ami était décédé au combat dix jours plus tôt. »
Lviv
Dans la soirée, les frères sont arrivés à Lviv, la grande ville de l’Ouest du pays. Un frère raconte cette première soirée : « Alors que nous étions en chemin pour retrouver nos amis, non loin de l’université gréco-catholique où nous devions être logés, nous entendons au loin une forte détonation. Comme nous venions d’arriver et qu’il y avait encore des personnes se promenant dans le parc, nous ne nous doutions de rien. Plus tard, nous avons compris que plusieurs missiles avaient été lancés sur des infrastructures de la ville. »
Au cours des jours suivants, les frères ont pu visiter plusieurs lieux où sont accueillis des personnes déplacées. La collecte de matériel médical, effectuée auprès des habitants de Taizé et des villages alentour, a été délivrée dans un centre d’aide humanitaire, la fondation de l’Église gréco-catholique qui travaille dans les sous-sols de l’historique cathédrale St Georges.
Le mercredi soir, une prière était proposée dans l’église Ste Sofia de l’université gréco-catholique. Là encore, une alerte anti-aérienne vient bouleverser les plans, comme l’explique un frère : « Tout était prêt pour la prière, quand tout à coup l’alarme sonnait de nouveau. Alors nous avons dû tout déménager dans le plus grand calme pour prier dans la crypte, serrés les uns contre les autres. Les chants et les lectures ce soir-là ont pris une toute autre signification. »
Un autre frère a passé tout un après-midi dans une des paroisses latines, où sont hébergés 200 déplacés de l’Est du pays. Il raconte : « Le soir, le père va à la gare chercher tous ceux que personne d’autre n’a voulu accueillir, dont les Roms, des handicapés ou des personnes âgées. Le condensé de fragilités qui se retrouvent dans ce lieu est saisissant. » Dans cette paroisse, une autre prière était proposée le jeudi soir, avant que deux des frères reprennent le lendemain la route de la Pologne.
Kyiv
Après un voyage par le train de nuit depuis Lviv, le frère qui restait plus longtemps en Ukraine tenait à se rendre sur la place Maïdan, la place de l’indépendance où avait démarré la révolution de la dignité début 2014 : « Il était important de revenir sur ce lieu chargé d’histoire. Au mémorial de Maïdan, j’ai prié pour la mémoire du jeune Roman Guryk, décédé à 19 ans en février 2014, avant de revoir son grand-père quelques jours plus tard à Ivano-Frankivsk. »
Il poursuit : « J’étais très touché de retrouver le couple orthodoxe qui avait offert de m’héberger, lui est un prêtre orthodoxe et elle travaille comme médecin à l’hôpital. Le père Andriy a vécu deux semaines dans un village occupé par l’armée russe, à l’extérieur de Kyiv – l’entendre raconter ces jours passés dans l’abri souterrain, coupé du monde, était très émouvant. Avec lui, j’ai rendu visite au métropolite Épiphane, le primat de l’Église orthodoxe ukrainienne. Le lendemain, toujours à Kyiv, j’ai pu aussi visiter le nonce apostolique et l’archevêque latin de Kyiv. »
En effet, à l’occasion de ce voyage, les frères ont pu rencontrer différents responsables d’Églises. Si on ne peut pas relater chacun de ces échanges, la diversité des horizons confessionnels est en soi significative.
Ivano-Frankivsk, Ternopil et Truskavets
Avant de revenir à Lviv pour deux jours, le séjour a encore été marqué par trois brèves étapes dans trois villes de l’Ouest du pays : à Ivano-Frankivsk, où une prière était proposée le dimanche après-midi ; à Ternopil, avec une autre prière dans la cathédrale gréco-catholique de la ville ; à Truskavets, où l’archevêque majeur Sviatoslav Shevshuk avait invité le frère à s’adresser aux évêques de cette Église réunis en Synode.
Conclusion
Le frère termine son récit : « Dans tous les lieux visités, ce qui frappe c’est combien la guerre est présente : il y a partout des soldats, souvent très jeunes, des check-points actifs ou non, et bien sûr le son de la sirène signalant régulièrement de potentielles attaques aériennes. Bien sûr, notre visite n’est qu’un geste bien humble dans toute cette tragédie. Nous pensions venir en Ukraine en étant porteurs de messages de solidarité et d’amitié. En fait, nous avons bien vite compris que ce sont ces jeunes de l’Ukraine, debout dans l’épreuve, qui sont à leur tour devenus message pour nous – message d’unité et de solidarité, de courage et de confiance. »