Intervention de frère Alois au Chemin synodal à Francfort

"On t’a enseigné ce qui est bien, ce que le Seigneur exige de tout être humain : il demande seulement que tu respectes les droits des autres, que tu aimes agir avec bonté et que tu suives avec humilité le chemin que lui, ton Dieu, t’indique."

"Chers frères et sœurs en Christ,

oui, nous sommes sœurs et frères en Christ, même si dans l’Église, nous n’avons pas tous reçu les mêmes responsabilités.

Je vous remercie de m’avoir permis de passer cette journée avec vous. A Taizé, nous suivons le chemin synodal depuis le début. Nous nous sentons profondément liés à l’Église en Allemagne. Chaque année, des milliers de personnes - en majorité des jeunes - viennent d’Allemagne pour nous rejoindre. Nous sommes régulièrement invités au Katholikentag et au Kirchentag. Plusieurs des rencontres européennes de jeunes, que nous organisons depuis 45 ans, ont eu lieu en Allemagne - la dernière s’est tenue il y a deux mois et demi à Rostock. Elle nous a permis de découvrir de l’intérieur la situation concrète des Églises dans le nord-est sécularisé de l’Allemagne.

A Taizé, nous voulons prendre au sérieux la parole du prophète que nous avons lue : "On t’a enseigné ce qui est bien, ce que le Seigneur exige de tout être humain : il demande seulement que tu respectes les droits des autres, que tu aimes agir avec bonté et que tu suives avec humilité le chemin que lui, ton Dieu, t’indique." Dieu attend de nous que nous pratiquions la justice. Et nous devons confesser que nous ne l’avons pas toujours fait. Notre communauté est également ébranlée par des cas d’abus qui nous mettent au défi d’oser un nouveau départ. [1] Cela implique de partager davantage les responsabilités entre nous. "Respecter les droits des autres" et "aimer agir avec bonté" - nous voulons aussi aborder les changements nécessaires dans l’organisation de notre vie commune avec une bonté bienveillante dans nos relations mutuelles.

Les nombreux jeunes qui viennent à Taizé nous encouragent. C’est un grand don de pouvoir les accompagner dans leur recherche. De nos jours, de nombreuses certitudes s’effondrent et nous sommes tous à nouveau confrontés à des questions fondamentales : pour quoi cela vaut-il la peine de vivre ? Qu’est-ce qui nous soutient ? Qu’est-ce qui nous empêche de perdre courage ?

Ce ne sont pas seulement des chrétiens engagés qui viennent à Taizé, mais aussi beaucoup de personnes qui sont devenues indifférentes à l’Église. Eux aussi sont à la recherche d’un sens à leur vie et d’un engagement personnel. Nous sommes souvent surpris de l’importance que revêt pour eux la communauté et de la façon dont ils participent naturellement à la prière chantée ensemble. Certains y trouvent une confiance et parfois même une relation vivante avec Dieu. Nous faisons l’expérience que l’Esprit Saint provoque dans la prière commune aussi bien une guérison intérieure qu’une nouvelle ouverture les uns envers les autres.

Ces expériences m’ont encouragé à faire une proposition il y a deux ans, lors de la préouverture du synode sur la synodalité à Rome : nous arrêter ensemble de temps en temps. Sinon, comment pouvons-nous, comme le dit le prophète Michée, marcher "avec humilité avec notre Dieu" ? Dans un processus synodal, des positions contradictoires sont inévitablement exprimées. Mais en chantant, en priant et en faisant silence ensemble, nous faisons aussi l’expérience d’une réelle communion en Christ, plus profonde que tout consensus ou dissension.

Ma proposition de commencer le synode d’octobre par un tel moment de pause et d’orientation commune vers le Christ a trouvé des oreilles attentives, non seulement à Rome, mais aussi dans les Églises, communautés et mouvements protestants et orthodoxes. Ainsi, le projet prend de plus en plus forme. Il est placé sous la devise : "Together - rassemblement du peuple de Dieu". Ainsi, le synode d’octobre débutera par une prière œcuménique du soir le 30 septembre sur la place Saint-Pierre, à laquelle tous sont invités. Le pape François et des représentants de différentes églises y participeront. Elle sera très sobre, avec des chants de Taizé, une lecture de l’Écriture, du silence et des intercessions, à l’image d’une "nuit des lumières" organisée dans de nombreuses églises d’Allemagne, ainsi que pendant l’Avent. Les jeunes adultes entre 18 et 35 ans sont invités à participer non seulement à la prière du soir, mais aussi à être accueillis tout le week-end dans les paroisses et les communautés religieuses de Rome.

Le pape François a annoncé cette prière œcuménique du soir le 15 janvier et a déclaré à cette occasion : "Le chemin vers l’unité des chrétiens et le chemin vers la conversion synodale de l’Eglise sont liés". Lors d’une conférence de presse quelques jours plus tard, le pasteur Christian Krieger, président de la Conférence des Eglises européennes et de la Fédération protestante de France, a souligné combien il était nouveau dans l’œcuménisme qu’une Eglise demande aux autres de la soutenir et d’intercéder pour elle avant de prendre des décisions importantes.

Je voudrais vous inviter très chaleureusement, en tant que membres du chemin synodal, à ce "rassemblement du peuple de Dieu". Votre participation serait un signe fort de notre interdépendance. Je sais combien vos agendas sont chargés et que, face à tous les problèmes urgents dans l’Église et dans le monde, un pèlerinage à Rome et une prière du soir commune peuvent sembler dérisoires. Mais peut-être avons-nous justement besoin de ce qui n’a pas de but immédiat pour nous ouvrir à l’essentiel. Qui sait ? L’Esprit Saint pourrait nous surprendre.

Que Dieu bénisse l’énorme travail que vous avez accompli sur le chemin synodal. Je voudrais maintenant vous inviter à faire une pause en présence de Dieu et à observer ensemble quelques minutes de silence.

Je me réjouirais de tout cœur si vous acceptiez mon invitation et si nous pouvions nous revoir à Rome".

« Parmi les personnes victimes d’abus et d’emprise dans l’Église, il y en a qui l’ont été par des frères de notre communauté. Au ‘Chemin synodal’ à Frankfurt, la présence du ‘Conseil des personnes victimes’ / ‘Betroffenen Beirat’ m’a montré une fois de plus combien la parole des personnes concernées doit être au centre. Sans leur témoignage, à Taizé non plus, nous n’aurions jamais pu prendre conscience de la gravité des souffrances des personnes concernées. Nous leur sommes reconnaissants d’avoir trouvé le courage pour en parler. Je tenais à le redire ici, parce que ce n’était pas assez clairement exprimé dans mon intervention. »

Toute agression, ancienne ou plus récente, commise contre un mineur ou un majeur, que ce soit par un frère ayant abusé de son ascendant moral ou par toute autre personne, peut être signalée à l’adresse courriel protection taize.fr, ou bien à une association de victimes, ou encore au numéro d’appel national dont les coordonnées figurent sur le site.

Photo : Synodaler Weg / Maximilian von Lachner

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