À la suite de la visite d’un frère en Croatie, au mois de mars, une jeune de Hvar, Zorka, a écrit un témoignage sur la vie des chrétiens sur cette île au milieu de la mer Adriatique.
Pour gagner l’île de Hvar depuis Split, sur la côte, il faut une heure par catamaran ou deux heures par ferry. Dans le monde du tourisme, notre île est connue comme un lieu de vacances surpeuplé, durant l’été, de yachts de plaisance, et empli du brouhaha de diverses langues et cultures. L’hiver, par contre, la vie y est complètement différente : ruelles et négoces se vident après la première pluie et les gens retournent à leur besogne habituelle – un peu d’agriculture, un peu de pêche et les préparatifs pour la saison touristique suivante.
Il y a dix ans, en plein été, au moment où tout le monde chez nous – jeunes et vieux – est occupé dans les hôtels et les restaurants, un groupe de jeunes est parti pour la première fois à Taizé. Avec des impressions plus que positives, nous sommes rentrés une semaine plus tard dans l’épaisse mêlée chaotique de l’été à Hvar. Au fil des années les départs des jeunes de Hvar pour Taizé se sont succédé, mais il y a deux ans est née une question : « Comment pourrions-nous nous laisser inspirer, pour notre vie dans notre milieu îlien, par ce que l’on a vécu à Taizé ? Est-ce que nous pourrions nous aussi nous retrouver pour organiser des prières et des rencontres chez nous ? » Nous avons donc réfléchi à la meilleure manière de proposer cela à notre environnement îlien, qui est traditionnellement assez fermé, et surtout à des jeunes qui n’ont jamais fait cette expérience de prière et de silence, et qui ne vont que rarement ou même jamais à l’église. La question du lieu, par contre, ne se posait même pas : notre île a une quantité de magnifiques chapelles du Moyen Âge qui semblent destinées à une prière contemplative. Une église à Starigrad par exemple date même du VIe siècle ; et l’on s’assoit par terre sur des mosaïques pré-chrétiennes.
Nous avons alors décidé de vivre, comme à Taizé, une prière avec un temps de silence, avant de nous retrouver pour un échange sur un texte biblique en petit groupe, sans oublier le pique-nique tiré du sac.. Au début, nous nous sommes rencontrés une fois par mois, à cinq ou six. Nous avons chanté ensemble et essayé de nous mettre en route. Après deux ou trois fois ainsi, nous avons commencé à inviter quelques amis intéressés, pour qu’ils voient au moins de quoi il s’agissait... Ils étaient un peu sceptiques au premier abord, étant donné qu’ils n’ont jamais prié et fait silence d’une telle manière. Les chants leur étaient peut-être un peu inhabituels, mais dans l’échange biblique qui suivait ils se sont engagés dès le départ ; souvent on n’avait même pas le temps pour passer à la deuxième question. Chaque rencontre se passait autrement que prévu, mais nous sommes toujours rentrés à la maison comblés d’une nouvelle expérience. Ainsi, nous avons décidé de préparer la prière chaque mois dans une autre paroisse de l’île pour mettre toujours plus de jeunes dans le coup.
L’un de nous étudiait ces dernières années au séminaire de Split. Depuis l’an dernier, il est curé dans un petit village de Brač, la deuxième île de notre petit diocèse. Cette année, au mois de mars, nous sommes partis de Hvar à quelques uns pour un week-end chez lui. C’est un voyage d’une demi-journée dans chaque sens ; en effet, même si nos deux îles sont séparées seulement par un canal de moins de dix kilomètres de large, il n’y a pas de bateaux directs. Fatigués à l’arrivée, nous nous sommes quand même retrouvés pour la prière dès le premier soir. C’était comme si quelqu’un chassait notre fatigue du long voyage. Le soir suivant nous avons préparé la prière dans une chapelle au bord de la mer. C’était probablement la première fois dans l’histoire qu’une telle prière commune avait lieu sur cette île. Une vingtaine de jeunes sont venus, ce qui nous a beaucoup réjoui, vu les circonstances chez nous. Ensuite, ils nous ont fait comprendre combien ils ont apprécié ce moment... et ils voudraient qu’on vienne à nouveau.
Maintenant, on espère avoir suscité leur curiosité ; peut-être viendront-ils cet été avec nous à Taizé. Mais le plus grand obstacle est que beaucoup prennent un travail saisonnier dès la fin des classes. Mais la saison sur les îles dure jusque à la mi-septembre... donc nous n’avons pas de vacances d’été ! Toutefois, un jeune de 17 ans, Mario, nous a dit que c’était possible : « Moi, j’ai mon propre stand où je cuis des crêpes pour les touristes. Avec l’argent que je gagne pendant l’été, je vis le reste de l’année, comme la plupart des gens ici. Mais je voulais vraiment aller à Taizé. J’ai donc embauché un ami pour prendre mon stand et je suis parti au mois d’août au cœur de la saison, quand il y a le plus de touristes. Et j’ai repris mon boulot au retour. »
Peut-être que cet exemple, et nos efforts sur l’île, seront un encouragement pour d’autres à faire cette magnifique expérience de communion, et à se laisser inspirer par ce que l’on peut vivre à Taizé. Nous portons ce désir dans nos cœurs et nous cherchons à le réaliser autour de nous.