TAIZÉ

2021 | Rencontre d’amitié entre jeunes chrétiens et jeunes musulmans à Taizé

 
La 4e édition de la rencontre d’amitié entre jeunes chrétiens et jeunes musulmans à Taizé a eu lieu du 15 au 18 juillet 2021.

Agir ensemble pour la fraternité humaine et la sauvegarde de la Création

Une vidéo de 13 minutes relate ces trois journées ; elle a été réalisée par le Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne (GAIC – voir information dans la vidéo même).


Trois journées de partage et d’amitié

Ces trois journées passées ensemble (de l’accueil le jeudi 15 juillet après-midi jusqu’au départ le dimanche 18 midi) ont été vraiment de belles journées de partage, d’amitié et de découvertes de part et d’autres, musulmans et chrétiens.

En raison des restrictions sanitaires pendant tout l’été 2021 dues à la pandémie de Covid-19, le nombre de participants a été moindre que celui des sessions des années précédentes, et la majorité de ces participants venaient de la France. Environ 200 jeunes entre 17 et 25 ans avaient choisi de participer à des discussions, ateliers et prières proposés. Parmi ces jeunes, 80 étaient déjà présents depuis le début de la semaine à Taizé pour d’autres programmes de rencontres, et se sont joints aux ateliers des après-midis consacrés aux diverses expériences vécues en France entre chrétiens et musulmans en matière de solidarité humaine ou d’écologie.

Depuis quelques pays du Moyen-Orient, des jeunes adultes musulmans et chrétiens, n’ayant pas pu se rendre à Taizé cette année comme cela avait été possible les années précédentes, ont tenu à envoyer leur contribution via des petites vidéos depuis le Liban, l’Irak, la Palestine, et l’Égypte. Ces témoignages ont été présentés soit au cours des sessions en plénière du matin, ou au cours des ateliers de l’après-midi.

Un car affrété par le GAIC a permis de réunir dans un même voyage depuis la région parisienne un groupe d’une quarantaine de personnes, dont des jeunes de l’association Coexister et 22 jeunes de la mosquée de Massy (Paris-Sud). Quelques adultes fréquentant cette mosquée, dont l’imam Chemouini Chemseddine, les accompagnaient. De la ville de Calais (dans le Nord de la France), où vivent encore des centaines de personnes migrantes en exil, sont venues 9 personnes, 8 musulmans et 1 chrétien, engagées dans le réseau du Secours Catholique. Des personnes musulmanes sont venues aussi de la région de Grenoble et de Strasbourg ; pour elles c’était la première fois qu’elles découvraient Taizé. A été très appréciée la présence de deux amis de longue date de la communauté de Taizé : l’imam Ahmed Belghazi, imam d’une des mosquées de Chalon-sur-Saône, la ville voisine au nord de Taizé et M. Noureddine Omar, l’un des responsables de la construction d’une toute nouvelle mosquée à Mâcon, ville proche située au sud de Taizé.

Deux lieux de prière étaient prévus pour chaque jour : un endroit où ont eu lieu les prières musulmanes (dans une salle de prière aménagée sur le site de Taizé) et un endroit où ont lieu les prières chrétiennes (dans l’église de la Réconciliation à Taizé). Chaque jour, 15 à 30 jeunes chrétiens aimaient venir s’asseoir en silence dans la salle de prière des musulmans sur des bancs placés à leur intention sur les côtés de la salle ; tous ont été très touchés par l’accueil des imams et le petit mot d’introduction donné à chaque fois à leur intention pour expliquer, avant le début de la prière, tel ou tel élément de cette prière.

De même, la plupart des musulmans présents sont eux aussi venus dans l’église de Taizé aux moments des temps de la prière de la communauté pour découvrir comment les chrétiens priaient là. Rares étaient les chrétiens présents à Taizé à être entrés un jour dans une mosquée lorsque des musulmans y faisaient leur prière commune, et aussi rares étaient les musulmans à être entrés dans une église lors d’une célébration chrétienne. Les uns et les autres ont exprimé combien cela avait été un beau moment pour une meilleure compréhension de la religion de l’autre.


Première journée | Agir ensemble pour la fraternité humaine

La matinée a été consacrée à un échange avec le Père Vincent Feroldi, délégué auprès des musulmans pour la Conférence des évêques de France et avec Radia Bakkouch, présidente de l’association « Coexister ».

Radia Bakkouch est elle-même musulmane, mais l’association où elle est engagée est un mouvement interconvictionnel permettant à des jeunes de 15 à 35 ans de créer du lien social et de promouvoir un mieux vivre ensemble. Ces jeunes militent pour la paix et la cohésion sociale en s’appuyant sur la diversité de convictions religieuses, entre croyants de toutes confessions et non-croyants. Divers exemples d’actions menées par l’association Coexister ont été présentés par Radia Bakkouch.

Le Père Vincent Feroldi a développé les points suivants :

  • La gravité des événements survenus dans le monde, en particulier les guerres, le terrorisme, le dérèglement climatique et les migrations, a fait comprendre aux leaders religieux des différentes traditions l’importance de se rencontrer et de travailler ensemble pour le bien commun de tous et de la Maison Commune.
  • Suite à la rencontre d’Abu Dhabi et au document sur "La Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune" par le Pape François et le Grand Imam Ahmad al-Tayyib, une dynamique s’est créée avec la publication de nombreux textes musulmans ou judéo-islamo-chrétiens sur cette même thématique.
  • Au nom de notre foi, nous devons mettre la fraternité avec tous au centre même de notre vie de citoyen et de croyant. Quand nous rencontrons l’autre, tout autre, c’est un frère ou une sœur en humanité que nous rencontrons. 
  • Pour faire tomber les murs et les peurs, rien ne vaut la rencontre et l’écoute empathique de l’autre, sans négliger le débat respectueux.
  • Où qu’il soit et quel que soit son mode de vie, chacun·e peut vivre ces attitudes au quotidien. Ce n’est pas réservé aux leaders. Laissons l’Esprit féconder nos cœurs.

Un dialogue en ligne sur le thème de la fraternité humaine a été réalisé entre Radia Bakkouch et le P. Vincent Feroldi, avec la participation d’un jeune de la mosquée de Massy, Aboubacar. Il est possible de revoir cet atelier en ligne sur la chaîne YouTube de Taizé.

Un atelier a permis à deux groupes de partager une action vécue de fraternité humaine :

• le groupe de jeunes de la mosquée de Massy a présenté et commenté une vidéo montrant leur action de maraudes menées régulièrement depuis plusieurs années auprès de réfugiés et de sans-abris à Paris : préparation et distribution de plusieurs centaines de paniers-repas, de couvertures si nécessaire, etc….

• le groupe venu de Calais, dont la plupart sont des réfugiés ou des exilés, a partagé leur mobilisation contre l’exclusion et les conditions inhumaines dans lesquelles vivent tant de personnes exilées dans leur région.

Après une petite collation, tous les jeunes se sont répartis en petits groupes d’échange de 7 à 10 personnes jusqu’à l’heure du repas du soir.


Deuxième journée | Agir ensemble pour la sauvegarde de la Création

Le matin, deux interventions en plénière ont eu lieu, suivies chaque fois d’un temps de questions-réponses.

  • Une première intervention sur « Foi et engagement écologique en Islam » a été présentée par l’imam Mohamed Bechir Ould Sass, enseignant-chercheur à l’université de Strasbourg en France. Il avait aussi été imam auparavant à la Mosquée de Massy, mosquée connue en France pour son surnom de « mosquée verte ». Il a aussi rappelé que déjà en août 2015, la communauté musulmane avait produit un important document pour attirer l’attention mondiale sur l’urgence des questions liées aux problèmes climatiques.

Quelques extraits de cette intervention

« (….) Du côté de la communauté musulmane, si l’on croit ses fondements doctrinaux, l’engagement écologique fait partie de la Foi islamique. Plusieurs textes du Coran Sacré et des traditions prophétiques confortent le principe selon lequel un bon musulman doit être sensible au respect de la nature et de l’environnement en général. Avec la notion de niyya (intention positive chez les musulmans), le fait de s’engager dans les initiatives qui protègent la nature est perçu comme un véritable acte d’adoration divine. Une adoration qui consiste à savoir rendre grâce à Dieu-Créateur par le biais de gestes constructifs face à l’environnement dont on dépend pour notre propre survie et la survie des autres espèces qui cohabitent avec nous. (….) On pourrait, certes, être engagé pour l’environnement sans avoir la Foi, mais on ne saurait avoir la Foi sans être engagé pour le respect de l’environnement (….). La Foi nourrit l’engagement écologique et l’engagement écologique peut conduire à la Foi. De plus, si l’écologie a besoin de la Foi comme facteur de mobilisation, la Foi a besoin de l’écologie comme support de méditation. (….) Voir par exemple la Sourate Abraham, versets n°32-35, du Coran Sacré (….). Ce même passage, de par sa portée méditative, rappelle une tradition originale de Saint François d’Assise qui chantait la création à travers son “Cantique des créatures” exprimant les louanges à Dieu pour la lune, le soleil, l’eau, le vent, le feu, la terre et les étoiles. ».


  • La seconde intervention de la matinée a été faite par Mme Elena Lasida. Docteur en sciences économiques et sociales et spécialiste de l’économie solidaire, elle est l’une des responsables du réseau « Eglise Verte » en France. Elle a présenté les fondements chrétiens de l’engagement écologique. Elle a, en particulier, développé trois lignes de force qui sous-tendent toute l’encyclique « Laudato Si » du pape François : tout est lié, tout est donné, tout est fragile. Intervenant après l’imam Bachir Ould Sass, elle a pu réagir sur plusieurs passages de son intervention, en soulignant des points de proximité entre les deux approches chrétienne et musulmane de la sauvegarde de la Création.

Un atelier d’échanges a eu lieu en début d’après-midi, avec trois interventions présentant chacune des actions concrètes mises en œuvre dans un réel souci écologique.

  • Des intervenants de la mosquée de Massy ont montré une vidéo expliquant comment leur mosquée, inaugurée en avril 2019, peut s’enorgueillir d’être la première « mosquée verte » française : « Pour aider à prendre les bonnes décisions en matière d’écologie et de diminuer la consommation des ressources naturelles, des études avaient été réalisées en partenariat avec une école d’ingénieurs voisine. Si le bâtiment a de superbes proportions, s’il est en harmonie avec les autres constructions du quartier, il a aussi été conçu pour que rien n’y soit gaspillé : ni l’énergie nécessaire au chauffage, ni l’eau pour les ablutions, ni la lumière qui entre à profusion par la coupole de verre centrale etc. »
  • Puis Elena Lasida a pu donner des exemples concrets de comment des communautés chrétiennes en divers endroits de France (et dans d’autres pays) ont amélioré leurs pratiques environnementales. En leur offrant des outils pratiques orientés vers l’action, l’éducation et la spiritualité, ces communautés ont pu intégrer le souci de la sauvegarde de la Création dans les activités régulières de l’Église. Le label « Église verte » a été lancé en 2017 pour favoriser la conversion écologique des chrétiens et est soutenu par les trois confessions chrétiennes (catholique, protestante, orthodoxe). En juin 2021, 600 communautés chrétiennes se sont engagées dans une démarche Église verte, un engouement qui a surpris les initiateurs mêmes.
  • Enfin, M. Sourav, du Bangladesh, actuellement en master en Sciences et Gestion de l’environnement en Belgique, a présenté quelques défis écologiques devant lesquels son pays le Bangladesh, doit faire face avec urgence aujourd’hui.

Après le repas du soir, et avant que ne commence la prière chrétienne du samedi soir, l’ensemble des jeunes présents cette semaine à Taizé était invité à une rencontre informelle avec frère Alois, prieur de la communauté de Taizé, pour un temps d’échanges sur ce qui a marqué plus particulièrement la semaine écoulée. Un grand remerciement a été adressé au groupe venu spécialement pour la rencontre d’amitié entre jeunes chrétiens et jeunes musulmans. L’imam qui avait accompagné les jeunes musulmans de la mosquée de Massy a également pris la parole à cette occasion pour partager ses impressions personnelles sur ces journées passées à Taizé, lieu qu’il disait découvrir avec un bel étonnement. Déjà il annonçait son désir de revenir l’été prochain, avec encore plus de jeunes musulmans que cette fois-ci !


Photos

Des photos ont été prises par Michel Boulenger, du GAIC : d’abord un petit diaporama d’une minute environ puis l’album-photos.


Quelques témoignages

  • Hélène Millet, co-présidente du GAIC – Groupe d’Amitié Islamo-Chrétienne

« Les témoignages soulignent souvent la qualité de l’accueil reçu à Taizé. Pour beaucoup de jeunes, c’était leur première expérience d’échanges simples et faciles avec de "vrais" chrétiens. Le communautarisme n’est pas un vain mot... Nous avons maintenant une piste pour abattre les murs d’indifférence, voire d’hostilité : il va falloir s’y engouffrer. »

  • Frère Alois, prieur de la communauté de Taizé, dans un message à l’occasion de la fête de l’Aïd :

« En ce jour de la grande fête de l’Aïd el Kebir, c’est une joie pour moi de vous le souhaiter au nom de mes frères et moi-même : "Eid Mubarak !" Nous restons ces jours portés par une profonde reconnaissance au lendemain de la rencontre d’amitié entre jeunes musulmans et chrétiens. Quelle belle expérience de fraternité nous avons pu vivre ! Je reste émerveillé par les paroles entendues, par la qualité des interventions, par les échanges fraternels.… Nous restons bien proches, dans la confiance que de bons fruits continuent maintenant de mûrir. »

  • Ramzi Ait Djaoud, membre du Conseil des Musulmans de Massy et coordinateur du groupe de la mosquée de Massy venu à Taizé :

« Chers frères de Taizé, nous vous remercions pour vos vœux de l’Aïd, une leçon pour nous tous sur le dévouement et la confiance en notre si miséricordieux Seigneur. Cet Aïd est venu, cette année, comme une cerise sur le gâteau, le savoureux gâteau étant notre voyage à Taizé qui nous a tous marqués, tant l’accueil que vous nous aviez réservé était fraternel. C’est nous qui vous remercions de tout cœur de nous avoir si bien accueillis et nous espérons – un vœu de nos jeunes – renouveler cette si belle expérience tant ils ont été agréablement marqués. Prions notre Seigneur que l’humanité puisse, comme nous, savourer la fraternité que nous avons vécue ces quelques heures ! »

  • Chemouini Chemseddine, imam de la mosquée de Massy :

« Beaucoup de nos jeunes n’avaient jamais discuté de religion avec leurs semblables et voilà qu’une opportunité insolite se présenta à eux pour pouvoir partager les vrais préceptes de leur foi et aussi comprendre la proximité de nos religions. (...) L’entraide et la protection de notre planète sont des devoirs pour toute personne dévouée à Dieu - tel fut le message dégagé, et soigneusement enrichi par des intervenants chrétiens et musulmans. (...) Si vous me demandez de faire à Taizé une visite annuelle ? Je n’hésiterai pas un seul instant à dire oui, car de ce voyage j’ai compris la grande proximité qui existe entre les chrétiens et les musulmans et que cette proximité était une richesse à valoriser et à partager.

Articles pour aller plus loin

  • Article paru dans le magazine « La Croix- L’Hebdo » n°42122 du 25-26 septembre 2021 (page 30) : « Parler de sa religion avec ceux qui ne la partagent pas ».
  • Article paru dans la revue : « Lettre aux Amis de l’Idéo », n°20, de décembre 2021, publiée par l’association « Les Amis de l’Institut dominicain d’études orientales » (Institut basé au Caire en Egypte). Titre de l’article : « Joie et dynamisme des jeunes chrétiens et musulmans à Taizé ». Ecrit par le P. Vincent Feroldi, Directeur du Service National pour les Relations avec les Musulmans – Conférence des Evêques de France.
  • Article du P. Vincent Feroldi, paru dans la revue « En Dialogue », n°17 , de janvier 2022, publié par le SNRM.

Prochaine rencontre d’amitié entre jeunes chrétiens et musulmans en 2022 

Comme annoncé dans les « Propositions 2022 », la prochaine rencontre d’amitié aura lieu du mercredi 13 juillet après-midi au dimanche 17 juillet matin.

Dernière mise à jour : 31 juillet 2021