Quelle joie de vous accueillir si nombreux cette semaine. Beaucoup d’entre vous avez fait un long voyage du Portugal. Vous nous réveillez de notre hiver pour nous amener la chaleur du sud et hâter la venue du printemps dans nos pays du nord ! Vous êtes parmi les premiers à nous rendre visite cette année et ainsi vous nous préparez pour les rencontres de Pâques et de l’été qui vont venir. Merci d’être là et merci à tous vos animateurs et professeurs qui ont donné de leur temps libre pour vous accompagner. Merci aussi à Don Antonio, évêque d’Aveiro, d’être ici avec nous ces jours.
Je me souviens de la première fois que je suis allé au Portugal. J’avais 18 ans et je venais de passer à St-Jacques de Compostelle avec un ami d’école. Nous sommes arrivés dans la ville de Porto à la fin du mois de juillet, mais voici que nous nous sommes perdus et ne savions pas comment trouver l’auberge de jeunesse où nous voulions passer la nuit. Nous avons demandé à un passant de nous aider, mais nous n’avions pas de langue commune, alors il a appelé un autre, qui a ensuite fait signe à d’autres. Très vite nous étions entourés d’une dizaine de personnes qui voulaient nous aider à arriver à notre destination. Je ne peux pas oublier la gentillesse et la bienveillance de ces personnes inconnues envers deux garçons anglais perdus. Voilà ma première expérience portugaise et je sais que vous gardez ce sens de l’accueil et de l’hospitalité.
Beaucoup d’entre vous ont participé ou accueilli des participants aux Journées Mondiales de la Jeunesse qui ont eu lieu à Lisbonne l’été dernier. Nos frères y étaient et nous n’avons entendu que des belles choses de cet événement qui a permis à tant de jeunes du monde entier d’approfondir leur foi dans le Christ et de se soutenir mutuellement. Et qui peut oublier l’appel du Pape François que « tous, tous, tous » puissent trouver une place dans l’Église ?
Vous avez reçu en arrivant à Taizé la Lettre écrite pour cette année, qui porte le titre « Cheminer ensemble ». Vivre la foi seul dans la vie de tous les jours n’est pas facile : nous avons besoin les uns des autres. Cette semaine vous avez vécu une expérience d’écoute et de partage. Est-ce que pour certains d’entre vous ceci a permis de découvrir ou d’approfondir ce que signifie faire confiance à Dieu et faire confiance aux autres ?
Certains jeunes restent plus qu’une semaine à Taizé. Avec moi ce soir, il y a Marjorie, une de nos volontaires, qui vient du Brésil. Marjorie, que signifie pour vous vivre à Taizé comme volontaire ? Qu’est-ce qui est le plus important dans votre expérience ici ?
Marjorie : Le moment le plus important pour moi pendant cette période de volontariat a été de découvrir et de ressentir l’amour de Dieu pour moi, telle que je suis. Au Brésil, j’ai grandi dans une société où il y a beaucoup de pression pour avoir des choses et réussir professionnellement. Je pensais donc que la façon d’être quelqu’un, pour que les gens m’aiment d’une manière ou d’une autre, c’était par le statut, par ce que je faisais.Lorsque je suis arrivée à Taizé, mon intention était de n’y passer qu’une semaine. Je ne comprenais pas bien ce qu’était la vie ici dans la communauté. Et même si je ne comprenais pas grand-chose, après quelques jours, j’ai ressenti le désir de rester ici plus longtemps et je suis devenue volontaire.Je n’avais jamais vécu dans une communauté auparavant, mais ici je me suis sentie acceptée. J’ai senti que je n’avais pas besoin de répondre à une norme. Je me suis sentie libre d’être. Les moments de prière dans l’église, de prière personnelle, les échanges au cours de la journée étaient précieux. Souvent, les conversations les plus profondes et les plus inattendues ont lieu lorsque nous faisons des choses simples... Faire la vaisselle, nettoyer les toilettes ou vendre des crêpes à Oyak. Et c’est dans ces relations avec les autres, avec le travail et avec moi-même que j’ai reconnu ma relation avec Dieu et cet amour profond venant de Lui, et que cela a changé quelque chose en moi. Et c’est avec cet amour qu’aujourd’hui, même avec mes peurs et mes insécurités, je me sens plus libre d’être moi-même. D’essayer de trouver le chemin qui a vraiment du sens pour moi.
Comment est-ce que vous allez continuer ce chemin une fois de retour chez vous ? Pendant les jours qui vous restent à Taizé, pouvez-vous essayer de vous poser la question « Qu’est-ce que j’ai découvert ces jours ? ». Ensuite, dans la prière, demandez très simplement à Dieu de vous montrer comment traduire cela dans votre vie quotidienne. Ceci n’est pas facile, mais l’Esprit Saint peut-il vous donner la force et le courage de continuer à nourrir cette découverte ?
Dans la lecture de ce soir, Jésus nous a dit ces mots étonnants : « Qui donnera sa vie à cause de moi la sauvera » (Luc 9,24). Pour chacun, il ne s’agit pas de s’accrocher à une expérience, mais de laisser nos expériences nous tourner vers le Christ, pour que lui transforme nos vies. Dans un certain sens, nous devrions oublier le nom de Taizé pour que cette transformation s’opère. La vie de tous les jours dans notre famille, dans notre école, au travail ou aux études n’est pas facile, mais sommes-nous prêts à risquer de donner notre vie pour suivre le Christ ? Est-ce que pendant le temps de Carême vous pourriez porter cette question dans vos cœurs ?
Demain soir, venez nous rejoindre déjà à 20h dans l’église pour prier en silence pour la paix. Il y a tant de violences dans nos sociétés et dans le monde. Des personnes innocentes subissent les injustices de la guerre. Nous pouvons penser à l’Ukraine, Gaza, Myanmar, aux otages et à leurs familles… Une paix durable n’est pas possible sans la justice pour tous, surtout pour ceux qui souffrent. Face à ces situations, souvent nous ne savons pas quoi faire, mais nous tenir en silence devant Dieu peut être un signe de solidarité avec ces personnes et de notre désir de donner notre vie pour eux. Et qui sait, peut-être que nous recevrons des intuitions pendant ce silence qui vont nous pousser à vivre concrètement cette solidarité pour devenir des pèlerins de paix.
Maintenant, nous allons continuer comme chaque soir notre prière par le chant.