En écoutant des jeunes à Taizé et ailleurs[1], dont beaucoup sont confrontés à de dures réalités dans leur vie de tous les jours, je me demande comment ils trouvent la force de continuer. Cette question devient encore plus pressante quand ils vivent dans des zones de guerre.
D’où leur viennent la résilience et la persévérance dans ces situations apparemment sans issue ? En les écoutant, il m’est apparu clairement que c’est la confiance en Dieu qui permet aux personnes de foi de nourrir une espérance. Et grâce à la résurrection de Jésus, la certitude grandit que la mort n’aura pas le dernier mot.
La confiance en la résurrection donne l’espérance que les peines de la vie ne sont pas le point final. Nous sommes appelés à quelque chose de plus. C’est cette espérance que ces jeunes voulaient partager avec moi, une espérance au-delà de toute espérance car elle table sur l’apparition d’une vie nouvelle quand tout semble perdu.[2]
Marie a chanté dans son cri de louange et d’espérance : « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides. » (Luc 1, 51-53) Oui, osons chanter avec elle et prier pour que les situations changent. Même quand Dieu semble silencieux, un chemin peut soudain s’ouvrir.[3]
En même temps, faisons tout ce que nous pouvons, même si cela semble peu, pour exprimer des signes de solidarité avec les personnes en détresse qui nous entourent, ou avec ceux qui se retrouvent pris dans la guerre ou obligés de quitter leur pays. N’est-ce pas cela qui nous permettra d’espérer au-delà de toute espérance ?
Les réflexions qui suivent sont en grande partie le fruit des rencontres et des conversations avec des jeunes vivant dans des pays en guerre ou des zones de conflit au cours de l’année écoulée. Je suis empli de gratitude envers celles et ceux qui ont partagé leurs expériences et leurs réflexions et aussi envers nos frères plus jeunes dont les conseils avisés ont mis de l’ordre dans ce que j’avais écrit.
frère Matthew
Le courage d’espérer
Lorsque nous aspirons à faire confiance à l’amour de Dieu, ce que nous voyons et ressentons autour de nous semble si souvent contredire cet amour. Nous sommes pris entre ce qui est déjà donné et ce qui est encore à venir. Cet espace n’est pas toujours très confortable. Mais lorsqu’il s’ouvre sur une espérance d’accomplissement[4], quelque chose se libère en nous.
L’espérance demande de la patience. « Nous espérons ce que nous ne voyons pas », dit l’apôtre Paul (Romains 8, 25). Tournés vers ce qui viendra en plénitude au temps de Dieu, mais aussi troublés par « des conflits autour de nous, des craintes au-dedans de nous » (2 Corinthiens 7, 5), oserons-nous nous maintenir dans cet espace plutôt que de le fuir ?
« Espérant contre toute espérance, Abraham a cru » (Romains 4, 18). Abraham, l’ancêtre de nombreux croyants, s’est accroché à la promesse de Dieu bien au-delà de tout espoir raisonnable. Lui et sa femme Sarah ont reçu ce qui leur semblait impossible.
Alors que son pays était dévasté par la guerre, que ses habitants étaient menacés d’exil et qu’il était lui-même en prison, le prophète Jérémie a investi dans l’avenir : il a acheté un champ, tant il était sûr que Dieu n’abandonnerait pas son peuple (Jérémie 32, 6-15).
Un geste d’espérance aussi étonnant rend la foi plus réelle. C’est une confiance ferme dans ce qui est encore invisible et même incertain. Pouvons-nous nous tenir à une telle espérance ? Cela rouvre finalement la source de la joie[5]. Même dans les situations humaines les plus compliquées, ce que nous n’avions jamais osé espérer peut devenir réalité.
Aujourd’hui, de formidables initiatives porteuses d’espérance[6] voient le jour dans de nombreux pays où la guerre fait des ravages.
Écouter des personnes d’espérance
Pour mieux comprendre ce que signifie l’espérance, il nous faut écouter des personnes qui vivent au milieu de la détresse et de la violence. N’est-ce pas par leurs voix que Dieu va nous guider ?
Lors de ma visite en Ukraine avec deux de mes frères, un responsable d’Église nous a dit : « La prière ouvre un espace qui permet une guérison ». J’ai été très frappé par cette remarque. Confronté constamment à la souffrance de son peuple, il constate que c’est dans leur vie intérieure que les croyants peuvent rester ouverts à l’accueil de la nouveauté.
C’est un processus qui ne produit pas forcément des résultats immédiats mais qui, éventuellement accompagné par d’autres moyens, ouvre une porte pour dépasser les blessures et la peine, et réveille l’espérance d’une humanité guérie. La prière donne la force de tenir bon face aux situations les plus complexes[7]. Elle brise les vagues de découragement quand la ténèbre semble tout engloutir.
Une femme palestinienne qui vit en France, mais dont la famille est à Gaza, nous écrit : « L’amour qui porte les blessés, les fragiles, donne à nouveau de la force. Cela me fait penser au paralytique[8] dans l’Évangile, porté par ses amis et par leur foi. La prière est aussi une manière de résister, pour moi c’est important. Mais je suis humaine : après l’annonce de l’assassinat de deux membres de ma famille, la colère m’a submergé, j’ai crié, j’ai pleuré… Reprenant mes esprits, je savais que Dieu était là, dans la souffrance et le désespoir, et qu’il nous portait. »
Cet été, de passage à Taizé, elle nous a dit : « Chaque matin, je prie pour trouver la force d’aimer plutôt que de haïr ». Ses paroles sont pour nous comme une lampe sur le chemin.
Une jeune femme d’un pays asiatique ravagé par la guerre m’a raconté : « « Notre peuple est accablé, mais trouve du réconfort dans l’Évangile. Combien de fois le peuple de Dieu a-t-il été en exil ? Une communauté s’est pourtant créée, quelque soit la difficulté de la situation. Dieu peut avoir de plus grands projets pour nous, mais nous devons accueillir chaque jour l’un après l’autre. Pouvoir vivre le jour présent est un don et un signe que la vie est là pour être vécue pleinement. Dans la prière, il y a une source de paix qui nous permet de nous encourager les uns les autres, en trouvant un sens au partage et à la solidarité ».
Du Liban, j’ai entendu ces mots : « Ma mère est un témoignage d’espérance. Malgré tout, elle est toujours restée debout. C’est grâce à elle que je suis ce que je suis aujourd’hui. Elle nous a appris à avoir foi en Dieu et à prier. Chaque personne qui vit de la confiance reflète la confiance parce qu’elle boit à la source et peut devenir un témoin. »
Qui sont les témoins de l’espérance que chacun peut découvrir et écouter dans sa propre situation ? Ouvrons nos oreilles pour entendre ce qu’ils ont à nous dire.
Nous efforcer d’espérer
Comment réagissons-nous lorsque nos projets sont contrariés et nos espoirs déçus ? Jésus nous donne une clé pour rester des personnes d’espérance. Face à une grande foule de personnes affamées, il a eu « compassion » d’elles, littéralement « son cœur s’est porté vers » elles[9]. Et il a trouvé le moyen de satisfaire leurs besoins.
Le refus de nous résigner face aux situations de détresse permet à l’espérance de prendre corps en nous. Elle est le contraire de l’attente passive, elle est un combat[10], il n’y a pas d’autre voie. Même notre seul désir d’espérance peut nous faire franchir le pas entre ce qui est possible humainement et ce qui est possible pour Dieu.
L’espérance donnée par le Christ nous donne un avant-goût de ce qui doit se réaliser en plénitude dans l’avenir de Dieu. Elle est comme l’ancre d’un bateau.[11] Elle nous tient fermement lorsque la tempête fait rage. Elle nous permet de vivre de petits signes de notre fidélité à l’appel que nous avons reçu et aux personnes qui nous sont confiées. Elle est aussi comme un casque[12], qui nous protège de l’adversité qui peut s’abattre sur nous.
La Règle de Taizé parle de ne jamais nous résigner au « scandale de la séparation des chrétiens confessant tous si facilement l’amour du prochain, mais demeurant divisés ». Pour frère Roger, l’unité des chrétiens[13] n’a jamais été un simple but en soi, mais un chemin menant à la paix au sein de la famille humaine[14].
Les humbles buissons de buis autour de Taizé, bien qu’infestés à deux reprises par des insectes ravageurs ces dernières années, reprennent soudain vie. De ce qui était apparemment mort, de nouvelles branches poussent et le gris se transforme en vert. La nature se bat pour survivre, reflétant et encourageant notre propre lutte pour l’espérance. L’espérance pour la création[15], et l’espérance que nous recevons de la bonne création de Dieu, vont de pair avec l’espérance pour l’humanité[16].
Rester des personnes d’espérance
L’espérance peut si facilement être étouffée lorsque nous sommes confrontés à des situations où aucune compréhension mutuelle ne semble possible. Créer une atmosphère de suspicion risque de prendre les autres au piège dans un filet de méfiance.
Cela peut se produire dans nos communautés, nos églises et nos familles, ainsi que dans la société et dans nos pays. Ces dynamiques peuvent être cachées ou ouvertes, mais elles épuisent toujours nos forces. Pourtant, il y a des moments où, face à l’injustice, nous devons dénoncer le mal pour que des humains ne soient plus victimes d’autres humains[17].
Pour garder l’espérance, nous avons besoin les uns des autres. L’espérance s’épanouit lorsque nous sommes attentifs aux besoins des autres. Nous pouvons voir des gens qui, même au milieu de la plus grande adversité, choisissent de vivre, de sourire et d’offrir le peu qui est possible chaque jour.
L’espérance est liée à la vérité[18] et à la justice. Est-ce parce qu’il s’agit de qualités de Dieu ? Ne les voyons-nous pas dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus ? Pour nourrir l’espérance, il faut faire face à la réalité telle qu’elle est et la voir à la lumière des promesses de Dieu.[19]
Un jeune vivant dans une zone de conflit m’a raconté : « J’étais dans un café en train de lire mon livre, lorsque des roquettes ont commencé à voler autour de nous. Les gens sont sortis en courant, pleins d’émotion, mais j’ai décidé de rester et de finir ma lecture ». Chercher un abri aurait également été une option judicieuse, mais partager cette histoire est une protestation d’espérance contre l’inéluctabilité de la guerre.
Un de mes frères m’a dit : « L’espérance est provocante, et plus encore, elle est contagieuse. Le contraire de l’espérance est l’indifférence ou la résignation. Lors d’une récente visite dans mon pays, frappé par la guerre, j’ai vu les visages des gens tristes, inquiets et stressés. Je me suis alors demandé ce que je pouvais faire. Et une idée m’est venue : chaque fois que je conduis et que j’ai la priorité, je m’arrête et je donne la priorité à l’autre personne. Cela me coûte cinq secondes. Mais je voyais ce petit geste faire réagir le visage des gens, soulager un peu la douleur de mon frère ou de ma sœur.
Tout en nous résiste à la guerre et à la mort.... Tout en nous aspire à la vie et à la beauté. »[20]
L’espérance de Pâques
Où en suis-je en ce moment ? Au pied de la croix le vendredi saint ? Dans la joie du dimanche de Pâques ? Ou dans l’attente, ne sachant pas vers quoi me tourner, comme le samedi saint ?
Où que j’en sois, puis-je entrevoir, s’ouvrant devant moi, un chemin d’espérance ? Il s’ouvre devant moi quand je regarde vers Jésus qui a donné sa vie par amour pour tous, qui nous a montré un amour plus fort que toutes les puissances de la violence, de la haine et de la mort.
L’espérance ne repose pas sur une analyse de la situation mais sur ce qui est souvent une flamme vacillante de confiance. Bien que fragile, cette flamme brûle dans la nuit la plus profonde, comme pour les amis de Jésus. Beaucoup d’entre eux l’avaient abandonné au moment de sa plus grande épreuve. Son amour leur a permis de revenir.
Si seulement nous pouvions reconnaître Jésus ressuscité ! Mais sa présence ne dépend pas de notre reconnaissance. Notre désespoir nous aveugle parfois comme il a aveuglé Marie de Magdala. Jésus ressuscité a demandé à Marie : « Pourquoi pleures-tu ? » et « Qui cherches-tu ? » (Jean 20, 15). Cette deuxième question fait écho à ses toutes premières paroles dans l’Évangile selon saint Jean : « Que cherchez-vous ? » (Jean 1, 38). Depuis que Jésus est entré dans la peine et la mort humaines les plus profondes, la quête de sens s’avère être le désir d’une présence[21].
Ressuscité des morts, vivant en Dieu, Jésus nous attire à lui[22]. Nous rencontrant au plus profond de notre être, qu’il soit empli de tristesse ou de joie, Jésus ressuscité nous ouvre à sa relation avec le Père et à la communion dans l’Esprit Saint. Nous ne sommes plus prisonniers de notre désespoir, une vie nouvelle est possible.
Paul écrit : « Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par le Saint-Esprit qu’il nous a donné. » (Romains 5, 5). Vivons de cet amour. Que l’Esprit Saint nous guide toujours !
Pèlerins d’espérance, pèlerins de paix
La foi en la résurrection a permis à de nombreuses personnes de s’accrocher à l’espérance au milieu de la détresse. C’est une source qui nous conduit à dépasser nos propres impossibilités, à laisser notre cœur aller vers les autres et à agir.
La foi en la résurrection de Jésus demande beaucoup de courage et d’audace. Elle implique l’effort de ne pas nous laisser paralyser par la présence de la mort et de la destruction qui nous entourent aujourd’hui.
À partir de situations qui peuvent sembler désespérées, Dieu peut créer quelque chose de neuf. Dieu peut faire surgir la vie de la mort et même la réconciliation du conflit.
Les femmes, amies de Jésus, qui sont venues tôt le matin de Pâques au tombeau de Jésus, se demandaient : « Qui nous roulera la pierre de l’entrée du tombeau ? » (Marc 16, 3) Quelles sont les pierres dans nos propres vies que nous devons demander à Dieu de rouler à côté pour qu’une vie nouvelle puisse naître en nous ?
Cette vie nouvelle nous aide à nous mettre debout, elle nous conduit à cheminer avec d’autres. Nous devenons les pèlerins de l’espérance que nous portons en nous. N’est-elle pas aussi une espérance de paix ? Car « le Christ est notre paix » (Éphésiens 2, 14). L’entendrons-nous nous dire : « C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne.[23] Je ne vous la donne pas à la manière du monde. Ne soyez pas inquiets, ne soyez pas effrayés. » (Jean 14, 27-28)
Comme pèlerins de paix[24], nous comprenons qu’il n’y a pas de vraie paix sans justice[25]. La paix que nous portons en nous, qui vient de l’espérance dont nous vivons, nous rend intérieurement libres. Elle nous permet d’aimer la vie et de résister à l’injustice, en persévérant sous l’impulsion de l’Esprit Saint.
Un jour, nous nous retrouverons peut-être à prier le chant de Zacharie. Vieillard dans un pays occupé, il s’est réjoui d’une naissance inattendue et l’a célébrée : « Grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, l’astre d’en haut vient nous visiter, pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix. » (Luc 1, 78-79).
Sommes-nous prêts à espérer au-delà de toute espérance ?
Christ ressuscité,par la présence de ton Esprit Sainttu as répandu l’amour de Dieu dans nos cœurset tu nous donnes d’espérer au-delà de toute espérance.Et de nos profondeurs monte,peu à peu,une paix qui nous surprend.Louange à toi !
[1] En mai 2024, avec deux de mes frères, nous avons voyagé comme pèlerins à travers l’Ukraine déchirée par la guerre. Pendant l’été, nous avons accueilli à Taizé des jeunes du Myanmar, du Nicaragua et de l’Ukraine. En automne, j’ai eu des conversations en ligne avec des jeunes de ces pays ainsi que de Bethléem et du Liban, alors que quatre de mes frères retournaient en Ukraine, visitant le pays d’est en ouest.
[2] « Il n’y a pas d’espérance sans l’expérience préalable d’une absence totale d’horizon qui est comme une nuit en plein jour et oblige les individus ainsi que les peuples à se défaire de leurs illusions. » (Corine Pelluchon dans L’espérance, ou la traversée de l’impossible, Éditions Payot & Rivages , Paris, 2023, p.8)
[3] « L’espérance est la réponse de l’homme au silence de Dieu. » (Jacques Ellul, cité par Anne Lécu dans https://www.revue-etudes.com/article/esperer/24779)
[4] Dans un commentaire de Dt 4, 31, Gustavo Gutiérrez écrit : « Dieu n’oubliera pas l’alliance ; la loyauté est d’abord mémoire. Être fidèle, c’est nous souvenir, ne pas oublier nos engagements, avoir un sens de la tradition. La fidélité à l’alliance suppose le souvenir des sources du pacte et de ses exigences. (...) Mais la véritable fidélité implique plus que cela ; elle exige également, et cela semble moins évident à première vue, une projection vers l’avenir. Avoir de la mémoire ne signifie pas de rester fixé sur le passé. Se souvenir d’hier est important, mais parce que cela nous aide à parier sur demain (...). La fidélité ne consiste pas à marcher sans initiative sur des sentiers déjà piétinés, mais à les renouveler en permanence ; elle nous conduit — doit nous conduire — à innover, à changer, à concevoir de nouveaux projets. » (Gustavo Gutiérrez, El Dios de la vida, Éditions Sígueme, Salamanque, 1992, pp. 82-83)
[5] Dans mes échanges avec des jeunes vivant dans des situations de guerre, beaucoup d’entre eux ont parlé de l’importance du chant comme source de joie et de force. Cette Lettre sera publiée lors de la rencontre européenne 2024-2025 à Tallinn. N’oublions pas la « Révolution chantante » qui a tant contribué à ce que l’Estonie retrouve son indépendance pacifiquement en 1991. Les gens sont descendus dans les rues en chantant pour faire face à la menace à laquelle ils étaient confrontés.
[6] Une personne rencontrée par un de nos frères lors d’un pèlerinage lui a dit : « Une colère créatrice m’habite ». C’est cette force qui la pousse à vouloir faire au moins un petit pas pour changer la situation actuelle.
[7] « Du starets [Silouane], il [Sophrony Sakharov] a appris beaucoup de choses qui allaient être fondamentales pour sa vie spirituelle. Deux éléments ressortent : comment faire face au sentiment d’abandon lorsque tout ce que l’on expérimente dans la prière est, au lieu de Dieu, un vide désolé, et comment faire face à l’angoisse qui accompagne toute intense prière pour le monde souffrant. Le premier point a reçu un sens grâce au concept d’abandon-de-Dieu que Sakharov développera plus tard, et le second grâce à l’injonction révélée au starets dans la prière et communiquée par lui à son disciple : ‘Garde ton esprit en enfer et ne désespère pas’ ». (Norman Russell, Theosis and Religion, Cambridge University Press, 2024, p. 169)
[8] Voir Marc 2, 1-12. Remarquez la force de l’espérance chez les amis de l’homme qui surmontent tous les obstacles en creusant le toit de la maison pour essayer de l’aider et de l’amener à Jésus.
[9] Le verbe grec σπλαγχνίζομαι (splanchnizomai) est très fort sur le plan émotionnel. Il indique une réponse chaleureuse et compatissante à un besoin. Il est difficile de le traduire : compassion, pitié, sympathie en rendent quelque chose. Mais « son cœur se porta vers » exprime peut-être plus pleinement la réaction instinctive que le verbe implique. En Matthieu (voir 14, 14 ; 15, 32 ; 18, 27 ; 20, 34), le verbe ne se réfère pas seulement à une émotion ou à un sentiment, mais indique aussi une réponse pratique qui répond à une nécessité. Dans le cas présent, Jésus guérit les malades et nourrira ensuite la foule. L’émotion se traduit par une action bienveillante et efficace. Ce verbe est comme un résumé de l’Évangile en un mot.
[10] Voir 1Timothée 4, 10 : « En effet, si nous peinons et luttons, c’est parce que nous avons mis notre espérance dans le Dieu vivant qui est le Sauveur de tous les humains, et surtout de ceux qui croient. »
[11] Voir Hébreux 6, 19
[12] Voir 1Thessaloniciens 5, 8
[13] Le Synode sur la synodalité a permis à l’Église catholique de reconnaître et de valoriser la diversité qui existe déjà en son sein. Le rôle des délégués des autres Églises dans ce Synode a été important. N’est-ce pas un nouvel espoir pour la vocation œcuménique sur le chemin de l’unité de tous ceux qui aiment le Christ ?
[14] Taizé a été fondé en temps de guerre. La « parabole de la communion » que nous nous efforçons de vivre en tant que frères d’Églises, de pays, de cultures et d’âges différents a besoin d’un soin constant pour être un signe d’espérance face aux divisions de la famille humaine.
[15] Voir Romains 8, 21-23
[16] Face au défi du changement climatique et de la perte de biodiversité, comment pouvons-nous prendre davantage soin de notre maison commune où tout est lié ?
[17] Nous poursuivons dans notre communauté de Taizé le travail de vérité face aux accusations d’abus et d’agressions portées à l’égard de certains frères. Le courage des personnes qui ont souffert et parlé doit nous inciter à chercher toujours plus à apprendre d’elles. Si souvent, elles cherchent encore et encore une nouvelle espérance et une nouvelle vie. Elles nous motivent à faire tout ce qui est possible (voir www.taize.fr/protection) pour rendre les rencontres, à Taizé et ailleurs, sûres pour tous et aussi pour sensibiliser aux enjeux. Nous sommes également reconnaissants du travail de la « Commission Reconnaissance et Réparation » (voir www.reconnaissancereparation.org) pour son écoute des personnes victimes et pour sa médiation.
[18] « Je crois que l’espérance est liée à la vérité. Tant que je n’acceptais pas la perspective de la mort, je ne pouvais être dans l’espérance. Cela vaut pour toutes les situations. Comme chrétiens, nous pouvons avoir une tendance à fuir les situations qui nous désespèrent – politiquement, écologiquement, humainement… C’est normal que cela nous révolte, mais il me semble que l’espérance nous pousse à nous tenir justement là, dans le réalisme de ces situations, à les regarder avec vérité. Georges Bernanos parle beaucoup de l’espérance comme d’une vertu héroïque. C’est une vertu qui pousse à l’action, à ne pas fuir, à se battre pour ce que l’on sait ou croit être bon. L’espérance nous conduit vers la promesse de Dieu. » (Clémence Pasquier, entretien recueilli par Clémence Houdaille, La Croix du 11 octobre 2024)
[19] Dans la langue kikuyu (gĩkũyũ), l’un des attributs de Dieu est « digne d’espérance » : Dieu est celui en qui nous pouvons placer notre espérance. Mwĩhoko - espérance ; wĩhokeku - la qualité d’être digne d’espérance ; mwĩhokeku - digne d’espérance. Donc : Ngai nĩ mwĩhokeku - Dieu est digne d’espérance.
[20] « Si l’espérance suppose de prendre la mesure des dangers actuels, elle enseigne aussi à habiter le présent et à croire en l’avenir, sans ressasser le passé et en abandonnant toute rancœur. Elle est, enfin, ce dont notre âme a faim et dont l’absence nous rends amers ou violents. Comme l’amour dans la Cantique des cantiques, l’espérance redonne de la vie à notre corps que le désir avait déserté. » (Corine Pelluchon dans L’espérance, ou la traversée de l’impossible, Éditions Payot & Rivages , Paris, 2023, p.13‑14)
[21] « C’est la personne qui se trouve sur la croix, qui souffre comme nous, qui a été réduite à l’état de néant, qui illumine notre tragique existence humaine.... Nous ne considérons pas Jésus comme un simple exemple à suivre, et nous n’essayons pas non plus de l’idolâtrer. Nous voyons Jésus comme le Dieu qui prend forme humaine, souffre et pleure avec nous ». (Kwok Pui Lan, théologienne de Hong Kong, God Weeps with Our Pain, dans New Eyes for Reading : Biblical and Theological Reflections by Women from the Third World, ed. John S. Pobee et Barbel von Wartenberg-Potter, Meyer Stone Books, Bloomington, IN, 1987, p. 92)
[22] Voir Jean 12, 32
[23] « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix » (Jean 14, 27). Le propre de celui qui est parfait est de ne pas se laisser facilement émouvoir par les choses du monde, troubler par la crainte, agiter par le soupçon, ébranler par la terreur, inquiéter par la douleur, mais de tenir bon dans le calme de la foi, comme sur un rivage ferme et très sûr, en face d’un flot menaçant et des tempêtes du monde. C’est cette fermeté que le Christ a apportée à l’esprit des chrétiens, infusant en eux la paix intérieure accordée à ceux qui ont traversé des épreuves. » (Ambroise de Milan, Traité III, De Jacob et de la vie bienheureuse 6, 28, cité dans Soyons l’âme du monde, Les Presses de Taizé, 1998 et 2025, p.109)
[24] Voir www.taize.fr/pilgrims-of-peace
[25] Voir Psaume 85, 10 : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. »