Que d’images dans le cœur et dans la tête après ces 2 semaines au Kazakhstan ! Des immenses étendues à perdre de vue avec une ligne d’horizon horizontale, des couleurs que l’on croit parfaitement uniforme. Mais à la scruter, on voit du bleu apparaître et si on s’approche, on voit une multitude de petites fleurs proches du chardon. Et puis soudain la lumière change et tout devient doré. Parfois un troupeau de vaches ou de chevaux, de moutons avec un gardien à cheval.
Ce paysage-là, c’est celui que l’on traverse au nord du Kazakhstan, en venant de Karaganda, puis de Astana vers le petit village d’Oziornoe. Depuis plus de 10 ans, chaque année, les jeunes du Kazakhstan s’y réunissent pendant 5 jours de rencontre.
Cette route est celle qui va vers la Russie. Elle s’est beaucoup améliorée, mais dès qu’on la quitte, cela devient différent et finalement, on arrive au village par des routes de terre. On ne voit que la steppe et d’un seul coup surgit le village, un ensemble de maisons alignées en carré le long de larges rues en terre.
J’avais demandé de pouvoir arriver à l’avance et de vivre dans une famille quelques jours avant que ne commence la rencontre. On m’a logé dans une famille très unie. Leurs enfants sont mariés et vivent dans le village. Comme c’est la tradition, l’ainé des petits-fils vit avec ses grand-parents depuis qu’il est tout petit afin de veiller sur eux. Maintenant qu’ils sont âgés, ils vivent de leur petite ferme, ils ont quelques bêtes, et un grand jardin où ils cultivent des légumes qu’ensuite, ils mettent en conserve pour l’hiver. Les hommes vont presque tous travailler dans ce qui était autrefois le kolkhose.
Vers 23h, quand le travail était terminé, le couple m’invitait à les rejoindre à la cuisine pour une petite collation et un beau partage malgré les difficultés de langue…. Nous faisions tous beaucoup de gestes et on se comprenait !
Les jours qui précédaient la rencontre, il y a surtout eu de longues sessions de répétitions de chants avec une des sœurs qui travaillent dans la paroisse. Elle avait déjà bien formé une petite chorale de jeunes avec des instrumentistes. Ces jeunes venaient de différentes paroisses. Les jeunes de Ozorinoe étaient engagés dans la mise en place du lieu de repas, de tentes et la construction d’une yurthe, faite d’un beau tissu aux motifs kazakhs. Un petit groupe de femmes du village faisaient la cuisine. Du vieux matériel militaire polonais permettait de garder la nourriture chaude.
Puis le grand jour est arrivé, on a vu débarquer des voitures de tout calibre, pleines de jeunes, amenés par leur prêtre ou religieuse. Certains avaient voyagé 2 jours et même plus pour ceux de l’extrême sud. Un petit groupe de 7 jeunes d’Ouzbékistan participait aussi : parmi eux, une jeune d’origine coréenne, et une autre d’origine tanzanienne, toutes deux nées en Ouzbékistan. Cela ajoutait à la grande diversité ethnique, il semble y avoir au Kazakhstan plus de 130 groupes ethniques différents, tous venus à l’époque stalinienne.
Dès le premier soir, on pouvait sentir une grande attention et le silence à la prière a impressionné tous les responsables qui jusqu’alors avaient toujours eu des rencontres plus animées. La lettre de Chine a été distribuée à chacun et lors de la mise en commun des groupes, quelle surprise de découvrir qu’ils avaient même lu les notes !
Un grand moment a été une journée de pèlerinage vers une colline sur laquelle se dresse une grande croix. Tout a commencé par une introduction dans l’église puis sous un soleil de plomb, les 300 jeunes se sont mis en marche, 12 kms entrecoupés de 2 pauses pour du repos et une brève introduction biblique. Après un pique-nique, il y eut un beau chemin de croix. Ce soir-là, les familles du village ont accueilli les jeunes par groupes afin de pouvoir se laver… La seule fois de la semaine ! Il fait si sec qu’il n’y a pas d’eau suffisante pour le faire chaque jour !
Le lendemain soir, autre pèlerinage, plus court, vers le lac qui est à l’origine de ce lieu de pèlerinage. En 1936, les hommes étaient aux travaux forcés et beaucoup avaient été exécutés. Les femmes et les enfants étaient au village, l’hiver avait été rude, il n’y avait rien à manger. Soudain l’hiver s’est adouci prématurément, les neiges ont fondu et un lac est apparu, plein de poissons. C’était le 25 mars et les habitants l’ont attribué à l’intervention de Marie. Nous sommes donc allés à pied vers le lac et la statue perchée en haut d’un haut poteau. Le soleil se couchait et la steppe était flamboyante. On avait préparé une prière et les jeunes ont déposé dans un panier les engagements qu’ils avaient pris. À nouveau, le silence était impressionnant avant que n’éclate le chant du magnificat.
Les questions et les attentes des jeunes ont bien des points communs avec celles des jeunes d’autres pays. Mais ce qui était frappant était la référence à la foi et à la recherche de la volonté de Dieu dans leur vie. Pour beaucoup, la rencontre a été une découverte d’une relation personnelle au Christ dans la prière, mais aussi dans la Parole de Dieu.
Peut-être puis-je mentionner aussi ma visite à Karaganda qui est le premier diocèse au Kazakhstan. Avec l’évêque auxiliaire, nous avons fait un pèlerinage à Spassk, un des plus grands lieux des camps de travaux forcés et des camps de concentration. Les chiffres sont si énormes que j’ai peine à les écrire. Il y a eu des fosses communes où les corps de milliers d’hommes ont été jetés. Ils travaillaient dans les mines ou les exploitations agricoles. Tous les pays ont depuis érigé des monuments. Ce fut un moment de prière intense.
Au mois de mai, une première visite avait permis de préparer la rencontre, de réfléchir avec les organisateurs. Cela avait aussi donné l’occasion de participer à la cérémonie d’ouverture du Synode luthérien et d’y rencontrer le jeune prêtre orthodoxe d’Astana. À Almaty, sur le chemin de retour d’Ozornoe, il y eut aussi une visite à l’archevêché orthodoxe d’Almaty. Bien que l’archevêque Alexander soit à Moscou, j’étais attendu. C’était le 16 août : nous avons prié dans la magnifique cathédrale Zenkov, dans la reconnaissance pour la vie de frère Roger qui aimait tellement l’Eglise orthodoxe.