TAIZÉ

Méditations de frère Alois

 

Homs (Syrie), 2022


Jeudi 28 avril

Chers amis,

C’est une grande joie pour nous à Taizé de savoir que vous vous rassemblez de différentes parties de la Syrie et de différentes Églises à Homs. Malheureusement, nous ne pouvons pas être présents physiquement, mais par le cœur, nous sommes avec vous.

Le Christ ressuscité nous unit au-delà de toutes les frontières. Sur notre colline en Bourgogne, France, notre communauté monastique accueille tout au long de l’année des jeunes du monde entier. Avec ces jeunes, nous allons nous unir à vos prières.

Votre rencontre est un grand signe d’espérance pour nous. Vous ne vous laissez pas paralyser par les difficultés de la vie. Ce « pèlerinage d’espérance et de confiance » fortifie des liens humains d’amitié si nécessaires partout dans nos sociétés et nos Églises. Et il fortifie votre lien avec le Christ.

J’ai visité votre pays à Noël 2015. J’étais à Lattaquié et à Homs, et je garde un souvenir très fort de l’hospitalité, alors que les destructions dans la ville de Homs étaient terribles à voir. Depuis, ma prière est devenue plus forte pour que les blessures de votre peuple bien-aimé guérissent et que se lève l’aurore de l’espérance.

Merci de tout cœur aux pères jésuites et à tous ceux qui ont participé à la préparation de cette rencontre ! Elle témoigne du courage de l’espérance. Alors, nous pouvons, même à distance, échanger la salutation pascale : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité. »


Vendredi 29 avril

C’est une grande joie pour nous, les frères de Taizé, de vous savoir réunis à Homs, de différentes parties de la Syrie et de différentes Églises. Je vous salue très chaleureusement : les jeunes participants, les familles qui vous accueillent, les chrétiens des diverses Églises à Homs, et tous ceux et celles qui ont participé à la préparation de cette belle rencontre !

J’aurais beaucoup aimé être des vôtres, mais nous avons dû nous résoudre à nous unir à vous par le cœur et en communion par la prière. À Taizé, nous avons mentionné la rencontre hier soir dans la prière d’intercession alors que vous étiez rassemblés pour la première prière tous ensemble.

Oui, votre rencontre est pour nous un grand témoignage d’espérance. Ces dernières années, votre si beau pays a traversé de lourdes épreuves, mais vous ne vous laissez pas paralyser par les difficultés de la vie. Votre participation à ce « pèlerinage d’espérance et de confiance » en est le signe concret.

En étant loin, il m’est difficile de savoir ce que vous avez traversé, ou continuez de vivre. Même si j’ai visité votre pays en 2015, je ne connais votre situation actuelle que par les témoignages que nous recevons. Je comprends bien que les difficultés de la vie peuvent en décourager certains ou leur faire espérer une autre vie ailleurs.

Pourtant, quand j’ai regardé les photos et les petits films envoyés par des membres de l’équipe de préparation de cette rencontre à Homs, une chose m’a frappé fortement : la joie et l’énergie qui émanaient de vos visages. Et je me suis dit : quelle vitalité ! Quel potentiel pour oser inventer l’avenir.

Ces jours, vous réfléchissez autour du thème « Donne-nous aujourd’hui notre vie véritable ». Je peux bien dire que ce thème parle à mon cœur. J’en ai parlé avec les frères de notre communauté et je le dirai aussi cette semaine aux jeunes qui sont présents à Taizé.

Il me semble que ce thème rejoint l’invitation pressante que frère Roger, le fondateur de notre communauté de Taizé, avait un jour lancée : « Vivre l’aujourd’hui de Dieu ». Non pas pour oublier d’où nous venons, ou pour fuir nos responsabilités, mais bien pour vivre pleinement le moment présent, enracinés dans la confiance de la foi.

Par la foi, nous répondons à un appel à nous mettre en route, en nous souvenant qu’un nouveau commencement est toujours possible, que nous soyons dans le bien-être ou face à des difficultés semblant insurmontables.

Par sa vie, le Christ Jésus a montré par où commencer : en étant attentif aux petits et aux plus vulnérables. Si Jésus pouvait avoir une telle attention aux autres, c’est qu’il était profondément ancré en Dieu. À chaque moment de sa vie, il se laissait guider par l’Esprit Saint.

Par sa venue dans le monde, le Christ a pleinement partagé notre condition humaine. Par sa mort sur la croix, il a été jusqu’à l’extrême de la souffrance et il a révélé son absolue fidélité. Par sa résurrection, il devient le témoin du commencement nouveau que Dieu, dans son amour, donne à l’humanité.

Ce soir, nous pourrons nous souvenir de ce mystère pascal avec une prière particulière, à Homs comme à Taizé chaque vendredi. La croix sera apportée près du sol et chacun pourra venir s’approcher de la croix et y poser son front, comme nous le faisons pour une personne décédée que nous avons aimée.

En priant ainsi, nous exprimons que nous confions au Christ tout ce qui est trop lourd pour nous. Pour chacune et chacun de nous, il y a des fardeaux à porter. Osons les confier au Christ par une telle prière !

Et maintenant, je voudrais terminer cette réflexion avec vous par une prière que frère Roger avait un jour formulée et que vous entendrez encore demain midi lors de la prière :

Dieu de tout amour, tu transfigures les nuits de nos doutes, et tu viens éclairer en nous le mystère de la douleur humaine. Tu enfouis notre passé dans le cœur du Christ et de notre futur tu vas prendre soin.


Samedi 30 avril

Comme je vous le disais hier, votre rencontre ces jours à Homs est, non seulement pour moi, mais pour beaucoup d’autres à travers le monde, un témoignage que vous rendez au courage de l’espérance. Cela me renvoie au thème sur lequel vous avez échangé ce matin, dans les petits groupes de partage : « regarder l’avenir avec espérance ».

Oui, c’est vrai : être enracinés dans l’espérance nous ouvre à la confiance en l’avenir et à la confiance dans les autres. Loin de nous enfermer en nous-mêmes, ou de nous couper des autres, nous sommes ainsi appelés à affronter courageusement les problèmes de notre existence et de notre époque.

C’est le souvenir très fort que je garde dans mon cœur de ma visite dans votre pays, à Noël 2015. À l’époque, l’étendue des destructions était inimaginable. Quelques familles revenaient pourtant s’installer et essayaient de revivre dans ces ruines, alors sans eau ni électricité.

Au centre de Homs, devant la cathédrale gréco-catholique détruite, les paroissiens avaient célébré une fête de Noël pour les enfants. Les jeunes avaient préparé des cadeaux, les enfants chantaient. J’avais rarement vécu une fête de Noël où le message de l’Évangile était à ce point vécu intensément : le Christ naît aussi ici, au cœur d’une telle situation.

Aujourd’hui, puisse la présence du Christ ouvrir nos yeux et les rendre capables de porter un regard nouveau sur les réalités qui font notre vie, un regard d’espérance et de confiance, un regard qui nous transforme.

Cette espérance, au cœur même de la foi, s’appuie sur ce moment inouï où, au matin de Pâques, Marie de Magdala et quelques autres femmes sont allées au tombeau. Elles l’ont trouvé vide et elles sont revenues auprès des apôtres avec ce message : « Le Christ est ressuscité, il est vivant ! »

Ces femmes s’étaient rendues au tombeau pour signifier leur deuil, mais, face à la haine, au mal et à la mort auxquels elles avaient assisté, elles avaient aussi une attente, confuse, peu exprimée, mais qui les habitait : l’attente que se manifeste cet amour dont Jésus leur avait parlé.

Comme en ces femmes, en nous aussi, il y a une attente face à la souffrance que peut-être nous éprouvons dans notre existence personnelle, et aussi face au mal, à la violence, aux guerres qui défigurent le monde.

Et voilà que, au tombeau, les femmes font une expérience que nous pouvons faire aussi : ressuscité, le Christ est là et il vient à nous, mais d’une manière inattendue : non pas triomphalement, mais tout humblement. Et comme elles, nous pouvons alors saisir qu’il est vivant, mais de manière mystérieuse.

Parfois, nous pouvons sentir sa présence, mais pas toujours. C’est en lui faisant confiance que nous l’accueillons. Invisiblement, le Christ se fait proche de chacune et de chacun d’entre nous, et il nous communique une vie nouvelle qui est amour, un amour plus fort que la mort et que le mal.

Et, comme il l’a fait pour les femmes au tombeau, le Christ nous invite nous aussi à communiquer autour de nous le mystère de sa présence, lui qui voudrait rejoindre en particulier ceux qui sont sans espérance et leur donner une vie nouvelle.

Ce soir, je vous propose alors de partager à votre tour la salutation pascale que nous pouvons nous dire, même à distance les uns des autres : « Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité. »

Dernière mise à jour : 30 avril 2022