Voici quelques lignes des nouvelles,qui ne sont pas vraiment des nouvelles…... sauf qu’on s’habituechaque jour un peu plusà la guerre,à ces sirènes qui retentissent subitement la nuit, tôt le matin,ou lorsqu’on épluche des pommes de terre pour le déjeuner.Aux explosions(sans savoir s’il s’agit de Russes ou de contre-attaques ukrainiennes).À ce moment où, chaque jour – à 9 heures du matin —tout s’arrête et le pays observe une minute de silenceen mémoire de ceux et celles qui ont donné leur vie pour la liberté.Aux moments où l’on attendque la sirène hurle une deuxième foispour annoncer la fin de l’alerte anti-aérienne(et contrairement à la première sirène inattendue, celle-ci est si attendue !),et la vie peut recommencer,au moins pour un moment, avec un soupir de soulagement :« Quelle chance, ce n’était pas notre maison ni notre ville... »(et une prise de conscience cyniqueque c’était la maison et la ville de quelqu’un d’autre).Et ce faux sentiment de satisfaction de croire que nous faisons attention…Aux conversations autour du thé coréen —qui aussi ont un goût aussi amerque le meilleur thé vert que mon maître du thém’a offert en geste de solidaritéquand il a appris que j’étais censé partir en Ukraine(en disant de le boire au lieu de lui avec les gens sur place) …En sirotant lentement de ces petites tasses,remplies jusqu’au bord,on se donne le temps de s’ouvrir, de parler...ou pas.Car ici même le silence parle,crie,accuse,interroge,pleure,se souvient et rappellela vie arrachée de leurs mains...Ici, on ne parle de l’avenir qu’avec des phrases suspendues àaprès la victoire... після перемоги.Aux dits(murmurés, criés)et aux non-dits...Parce que derrière chaque « tout ira bien (все буде добре) »se cache un soupir pour le bien-aimé,qu’il soit au front, porté disparu, blessé ou mort.À cette incroyable et invincible espéranceà cette force de ne pas lâcher,de ne pas se soumettre à l’agresseur qui ravage leur pays...Cela me laisse époustouflé à chaque foisde voir cette flamme dans les yeux des gensou dans la collecte pour ZSU (l’armée ukrainienne),même lors de l’achat d’un livre ou d’une baguette.Cette envie inébranlable de vivre.Et puis, il y a ce beau du quotidien(ordinaire et pourtant !) qui se laisse ici apercevoiren prodiges.Le sourire d’un homme qui promène son chien,une femme qui plante des fleurs devant sa maison(il me semble que c’étaient des roses ?),une vieille dame qui fait balancer sa petite-fille devant son immeuble…Banale pour vous ?Mais au milieu de cette troisième année de guerreet sous les ruines visibles et invisiblesici, ce sont des marques de la Résurrection !Et je me demande de plus en plusquel est le sens de tout cela :sommes-nous ici pour simplement y être- écouter, vivre avec, prier -ou pour devenir les témoins du vécu de ces gens qui croisent nos chemins ?Pour nous rappeler que leur vieest aussi un peu la nôtre ?
Automne 2024
Nouvelles de l’Ukraine
Cet automne, quatre frères de Taizé passent six semaines en Ukraine. Vivant dans une petite ville au nord de Kiev, ils vont de ville en ville pour visiter des groupes de jeunes, prier avec eux et participer à la vie quotidienne. Un des frères écrit :
Dernière mise à jour : 23 octobre 2024
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