TAIZÉ

Décembre 2022

En Ukraine, “le courage dans l’adversité”

 

Frère Alois, prieur de la communauté œcuménique de Taizé, s’est rendu en Ukraine pour cinq jours avant Noël au cours desquels il a visité, avec un autre frère, des responsables d’Églises et rencontré des jeunes dans les villes de Kyiv, Irpine, Bucha et Lviv. « J’ai trouvé le courage dans l’adversité de cette énorme épreuve et la persévérance dans la foi. Un peuple fortement touché par la guerre mais qui ne reste pas passif face aux difficultés. »

Entretien avec Maria Chiara Biagioni, de l’agence SIR, 29 décembre 2022. Texte original en italien en ligne ici.

Frère Alois, quelle situation avez-vous trouvée en Ukraine ?

Même si vous avez l’impression, comme à Lviv ou à Kiev, que la vie continue, la situation est difficile. Tout le monde est touché. Tout le monde connaît quelqu’un qui est mort à la guerre. Mais, surtout la veille de Noël, nous avons été très touchés de voir aussi la joie dans ce temps d’épreuve. Et c’est bien le message même de Noël : la lumière qui vient dans l’obscurité. Nous l’avons également vu une vraie unité entre les gens et la solidarité au sein de la population, qui est impressionnante.

Y a-t-il aussi une unité entre les Églises ?

Oui, même si des tensions demeurent car la situation entre les Églises n’est pas facile. Ces derniers jours, nous avons eu des rencontres avec des jeunes et les responsables des principales confessions, tant à Kyiv qu’à Lviv. A Taizé nous avons accueilli, avant la pandémie puis la guerre, beaucoup de jeunes Ukrainiens qui venaient participer à nos rencontres. Ces jeunes gens promeuvent et soutiennent désormais l’unité entre leurs Églises. Nous sommes heureux que certains d’entre eux puissent venir à la rencontre de Rostock. Nous pensons que la rencontre personnelle est irremplaçable.

Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans la situation humanitaire en Ukraine ?

L’électricité, par exemple, est coupée dans certains quartiers plusieurs fois par jour, parfois à Kyiv pendant deux ou trois jours consécutifs. Et cela signifie plus d’électricité, de chauffage, d’eau chaude, et souvent la connexion Internet est également coupée. Cela a un impact important sur la vie quotidienne des gens. Nous avons eu deux prières avec des jeunes dans des quartiers qui étaient plongés dans le noir complet. Des bougies étaient allumées. La vie est difficile mais en même temps, nous avons rencontré des jeunes qui ont pris des initiatives très courageuses. Par exemple, un mouvement de jeunes s’est formé pour aller dans tout le pays reconstruire les maisons endommagées par la guerre. C’était vraiment émouvant de voir comment, d’une part, ces jeunes ont été touchés au cœur par la guerre et, d’autre part, comment ils ont réussi à ne pas rester passifs face à l’adversité, en décidant de faire quelque chose pour les autres.

Et que pouvons-nous, ici en Italie, faire pour eux ?

Tout le monde ne peut pas aller en Ukraine mais tout le monde peut faire des actions de solidarité. J’ai souvent entendu dire cette phrase là-bas : “Si l’aide solidaire des pays occidentaux voisins s’arrête, nous sommes perdus”.

Comment voyez-vous l’avenir de ces jeunes dans un pays si éprouvé par la guerre ?

Personne ne le sait. Au cours d’une réunion, une jeune femme demandait : « Combien de temps encore devrons-nous vivre comme ça ? ». Personne n’avait la réponse. Un autre ajoutait : « Nous vivons au jour le jour. Nous ne savons pas ce que sera notre avenir ». Il y a donc cette incertitude, mais en même temps, nous avons vu que les initiatives de solidarité se sont multipliées. Nous nous sommes rendus à Bucha et Irpine, les villes martyres, où la vie a repris mais où les traces de la guerre sont encore très visibles. Nous avons vu des maisons brûlées, des fenêtres brisées. Mais au milieu de toutes ces destructions, des points d’accueil ont été organisés, véritables “lieux de résilience” où les gens peuvent se rendre pour se réchauffer, recharger leurs ordinateurs, accéder à des soins médicaux.

Que direz-vous aux jeunes de Rostock de cette expérience ?

Je parlerai surtout de ce témoignage de foi. C’est la foi qui fait tenir debout, même lorsque nous traversons des moments difficiles. Et cela est vrai non seulement dans la guerre, mais dans toutes les épreuves de la vie.


Lors de la rencontre européenne de Rostock, frère Alois a également évoqué ce voyage dans l’Ukraine en guerre dans ses méditations des prières du soir.

Dernière mise à jour : 11 janvier 2023